Paul Auster, un ami
Paul Auster est mort cette nuit à New York.
Le mois dernier, j’ai lu Baumgartner, son dernier roman paru en 2023 aux USA (et en mars 2024 chez Actes Sud, comme l’ensemble de son œuvre en français). Comme tous les ouvrages que j’ai lus de lui, je l’ai adoré. Ce matin, toutes les radios font l’éloge de cet auteur spirituel et singulier qui aimait la peinture et le cinéma, et croyait au hasard (moi aussi). Je m’associe aux souvenirs et aux récits variés sur lui. Je ne le connaissais pas, bien sûr, mais j’ai l’impression de perdre un ami.
Baumgartner est aussi bien une œuvre de fiction sur la fin de vie d’un professeur d’université, que l’occasion indirecte ou non de parler de lui, de ses origines, de ses amours, de son voyage en Galicie d’où la famille Auster est originaire, cette Galicie qui est dans l’Ukraine actuelle, notre déchirure et notre inquiétude.
Il y parle de ses peines et du monde. Il parle de lui, de la vie et de la mort, des ampoules qu’on oublie de changer, des tasses de café qu’on boit, de la solitude, des ouvriers du bâtiment, des espoirs, des esquisses de gestes, des livres à boucler, des amitiés, de nous, ce roman, c’est tout Paul Auster, avec son style à la fois galopant et bourré d’enchâssements, son souffle si particulier, son humour aussi. Fin de vie, oui, mais rires aussi. Délivrance.
Comme lui, j’aime lire. J’ai toujours aimé lire, je ne me souviens presque pas du temps où je ne lisais pas. On m’a raconté qu’à 4 ans et demi, je savais lire et donc, je lisais. Je lisais la riche bibliothèque classique qui occupait une des pièces de la maison où je grandissais, tout, du premier Balzac au dernier Zola.
Une fois quittée cette belle maison jurassienne, j’ai lu essentiellement en bibliothèque. Je me rappelle mes orgies de lecture, trois ans durant, quand j’étais en fac, à Dijon, c’était le début des années Cinquante, je passais ma vie dans la grande salle de la bibliothèque municipale qui avait été installée dans une église désaffectée. Je lisais tout, toute la littérature européenne et en partie américaine m’est passée sous les yeux et entrée dans la tête.
Arrivée à Paris, j’ai continué. Sainte-Geneviève et la Sorbonne. Je n’ai jamais possédé beaucoup de livres chez moi, j’aimais les bibliothèques car on n’y est pas dérangé. Je pouvais y passer des heures et des heures. Je lisais, là encore, avec la maniaquerie de l’autodidacte dans La Nausée. Je n’achetais un livre que lorsque je retournais deux ou trois fois le relire dans la salle silencieuse. Je pensais que cet ouvrage m’était alors indispensable.
Je ne possède que peu de romans de Paul Auster, à part les deux derniers (4 3 2 1 et Baumgartner) qui sont installés dans ma liseuse, depuis que je ne peux plus lire de livre-papier.
Vive Paul Auster. Il fut un ami sans qu’il le sache. Il nous laisse ses livres.