Je soupire après vous Chronique d’un printemps 33

Paris, jeudi 16 avril 2020

La torpeur du confinement se fendille de quelques espoirs. On parle même de la réouverture possible des salons de coiffure après le 11 mai. Ce n’est pas un vœu futile, c’est capital de récupérer une allure. Coiffeurs, librairies, fleuristes, parcs, cafés, etc., je soupire après vous. Que les grognons ne disent pas que c’est uniquement pour relancer l’économie, moi, je veux relancer mon moral et celui de la famille et des amis, eux que je veux voir bientôt.

Aujourd’hui, les médias glosent - en créant inutilement une certaine anxiété - sur quelque chose qui n’a pas été dit, qui donc, n’existe pas encore sauf dans la tête d’inutiles Cassandres des plateaux télé : le confinement, au-delà du 11 mai, pour les personnes âgées, n’est pour l’instant qu’une recommandation que l’on suppose devoir être répétée le 11 mai.

Recommander n’est pas imposer, le choix doit leur être laissé, et le double risque - qu’elles se font courir à elles-mêmes et qu’elles font courir aux autres, en circulant -, doit relever de leur libre arbitre, tout comme on le laisse au moins de 70 ans. D’où a-t-on pris la transformation de tout septuagénaire en incapable ?

Les septuagénaires et +, sauf une loi encore inexistante et qui serait sans doute rejetée, car anticonstitutionnelle, doivent avoir le choix de la liberté de circuler lors du déconfinement progressif : à chacun de mesurer ses risques et périls, personnellement, je n’ai aucune envie d’atterrir en réanimation, que mon âge, en effet m’empêcherait à coup sûr de supporter.

Surveiller attentivement le déconfinement, ses progressivités et ses principes : "Pour bon nombre de juridictions constitutionnelles, le principe d’égalité, en raison de sa plasticité, de sa double nature particulière de droit fondamental en soi et de condition d’exercice des autres droits fondamentaux, joue indéniablement le rôle de principe « à tout faire ».", comme dit le doyen Vedel dans un long article analytique,intéressant et difficile, déjà cité plus haut. Je l’ai parcouru, et je le livre à des lecteurs plus attentifs que moi.

Cet article m’a rappelé que j’avais autrefois déjà utilisé le mot le plus long de la langue française, « anticonstitutionnellement » ; j’avais réussi dans les années 50 à le glisser dans mon Diplôme d’études supérieures - qui était un peu mince -, une recherche sur les évolutions du costume romain au Bas Empire : on y voyait les modes gauloises, les pantalons et les manteaux à capuche, gagner Rome, et supplanter les toges : le cousu contre le drapé. Le pauvre contre l’opulent. La protection contre les courants d’air vs les effets flottants. J’avais allongé la sauce avec les vingt-cinq lettres de plus que comporte l’adverbe, en évoquant la lutte inutile du Sénat contre ces modes. Chacun devait pouvoir s’habiller à sa guise.

Aujourd’hui, je SORS FAIRE MES COURSES. L’horizon peu excitant du confinement. Un jour, on sortira sans y penser. Utinam, comme disaient les Latins, Ojalà, en espagnol, formules civiles que je préfère de loin à Plaise à Dieu ou Inch Allah.

Blandans, mardi 16 avril 1940

Le royaume de Danemark célèbre aujourd’hui la naissance d’une petite fille, Margarethe, en pleine guerre. Elle règnera, car, pour elle, son père changera, bien plus tard (1953), la constitution. L’ordre de naissance et non le sexe déterminera désormais l’ordre de succession [1].
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La famille, toujours très têtes couronnées, à dû nous faire participer à l’évènement. Sinon, rien à signaler, vie ordinaire à la campagne, potée à distribuer aux lapins etc. Jouer sous les Trois Pins, à faire des provisions de bâtonnets et de pommes de pin. Les jeux commençaient à sentir un peu la guerre, qui était toujours la drôle de guerre.

Notes

[1Elle règne encore en 2020.