Quelle question ! Chronique d’un printemps, 38

Paris, mardi 21 avril 2020

Pluie de sms et de mails, en provenance des médecins et des centres médicaux, relayant les conseils du Ministère des solidarités et de la santé, nous priant de nous surveiller, il n’y a pas que le coronavirus. Penser à prendre des rendez-vous, pour nos pathologies ordinaires. Ce que j’ai fait en partie hier. Le début du déconfinement sera occupé par une série de visites de contrôle, habituelles, mais qui avaient été annulées en début de l’épidémie. Amusant ? Non. Utile ? sans doute.

Un sondage Ipsos paru dans Le Monde, comportant cette question creuse et floue, Éprouvez-vous de la colère quand vous pensez à la situation liée à la pandémie en France ?, conclut que oui, les Français sont en colère. La belle question, la belle réponse ! Et bien sûr, on trouve à la question d’après la recherche du bouc émissaire de service, le gouvernement. Franchement, oui, je suis en colère contre de telles questions, plus encore que pour les réponses, de toute façon induites par les questions. « Les Français sont des veaux » disait de Gaulle, comme chacun sait. Avait-il raison ? Car, à quoi sert la colère dans la situation actuelle ? Si ce n’est comme facteur de grogne, de crises de foie qui vous rendent jaunes, paralysés, en gémissant et en râlant comme d’hab ? J’espère que je ne suis pas entourée de veaux. La crise est bien trop énorme, générale et mondiale pour « éprouver de la colère », comme un môme grognon et inefficace.

Le bouquin d’Eric Orsenna sur Beaumarchais est léger, sans doute trop pour le moment. J’avais envie d’ue récréation après Camus, mais Orsenna n’est pas l’idéal, il est trop fabriqué pour me distraire, j’y vois surtout ses recettes de fabrication à l’œuvre. C’est pourtant ce que je vais lire dans la journée, le bouquin sera fini ce soir et je pourrai jeter un premier coup d’œil dès demain dans le Général de Gaulle, et, ainsi, retrouver 1940.

Blandans, dimanche 21 avril 1940

En Norvège, qui occupe une partie des nouvelles du matin, de midi et du soir, il fait exécrable, l’hiver est loin d’être fini, il fait glacial.

Les Anglais, les quelques Polonais qui restent en piste, et les Français du corps expéditionnaire tentent de couper la route du fer suédois aux Allemands, ce sera peine perdue.

J’ai lu quelque part que les Britanniques y étaient héroïques mais nantis de moyens très approximatifs, il paraît qu’ils découpaient les cartes dans le fameux guide touristique de l’époque, le Baedeker. Vrai ou faux ?

Est-ce que je sais tout cela en 1940 ? Peut-être des bribes ? C’est le propre des crises, d’engendrer des bribes de nouvelles, des choses invérifiables, des bobards comme on disait.

Le roi Haakon VII de Norvège se réfugiera en Angleterre.

Ce qui m’étonne dans cette guerre, quand on en voit des images, c’est son archaïsme - et pas seulement dans le début de la guerre au moment de l’invasion de la Pologne, où les Polonais couraient à cheval devant les tanks et sous les avions allemands. En France aussi, les chevaux ont fait la drôle de guerre : le cheval de la ferme avait été réquisitionné à l’automne, on ne l’a jamais revu. On l’a remplacé un peu plus tard, dans l’automne 1940, par une jument très gentille qui s’appelait Margot.

La Wehrmacht près de Leitenberg en avril 1940
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