Transitions

Sortie du XIXe siècle, où les chroniques sur Victor Puiseux m’ont beaucoup occupée, je m’aperçois que je suis en train de vivre une année sans forme, sans grand projet personnel, comme si je vivais en somme une année de transition, vers d’autres occupations en vertu d’une moins bonne forme physique, ce qui changerait mes formes d’action et mon horizon.

Quelques pépins de santé pour moi ou pour mes amis, des tristesses et des plaisirs réels mais sans véritables grands éclats, donnent à ce printemps et été 2017 une vue un peu courte, où passer au moins mal les jours de chaleur sans trop me fatiguer constitue une partie de mes préoccupations.

Dans l’hiver, de beaux concerts, mais pas de film marquant. Idem pour le théâtre. J’ai beaucoup aimé un opéra créé en mars, à Garnier, Trompe-la-Mort, de Luca Francesconi, d’après l’histoire de Vautrin, de son vrai nom Jacques Collin, et de Lucien de Rubempré, (Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes, de Balzac), très magnifique visuellement et musicalement.

L’essentiel des spectacles s’est-il passé ailleurs ? Sans doute.

Sur la scène politique, d’abord.

En marche !

L’expérience tentée par Emmanuel Macron me passionne. Je suis européiste de toujours, et j’étais fort déprimée, sur le plan politique, depuis le referendum de 2005, qui avait cassé les pattes à l’esprit de l’Union européenne. Ce n’est pas qu’elle soit encore très vaillante, mais les positions à la fois ouvertes et déterminées de Macron ont j’espère redonné de l’espoir et de l’intérêt à l’Union, sur le continent. Les rappels faits à l’occasion de la disparition de Simone Veil montrent cette tentative de vitalité. Et je suis avec sympathie l’air ravi que prend Angela Merkel quand elle aperçoit notre nouveau président.

Il me semble aussi que l’instauration d’une nouvelle manière de s’adresser les uns aux autres, une sorte de politesse, de bienveillance, d’aménité, peut changer l’atmosphère des discussions : cela relègue dans un placard la langue de bois des reliefs du PS et de LR, usés par les 3 quinquennats précédents, toujours méfiants, toujours soupçonneux ; de même cette politesse générale démonétise et rend plus exécrable que jamais les invectives et les attitudes méprisantes et grognons des ailes politiques extrêmes, adoptées par les manitous de la France insoumise et du Front National.

J’en ai marre d’entendre les journalistes, radio ou télé - déboussolés par les nouveaux visages et les nouvelles manières -, qui se font aigres par réflexe, en cherchant à tout instant le moindre espoir ( pour eux) de « couacs », d’« erreurs », de menaces de « casse », de formule sotte, comme si le ratage d’un quinquennat était leur visée unique et comme si embarrasser, prendre en faute, voire ridiculiser les invités politiques était leur seule fonction.

L’Histoire mondiale de la France

Histoire mondiale de la France
wikipedia

Pendant le premier semestre 2017, j’ai énormément lu, mais l’ensemble a été dominé par l’Histoire mondiale de la France, Le Seuil, sous la direction de Patrick Boucheron.

Les auteurs ont entrepris une sorte de révision de la manière de lire notre passé : dans un travail collectif résolument non téléologique, ils débarrassant les travaux et les jours de la vision préétablie de la recherche d’une France hexagonale parfaite depuis toujours, une vision politique unique et obsédante qui aurait animé, comme une puce implantée avant toute mémoire dans leur cerveau, les hommes préhistoriques, les néolithiques, les hommes de pouvoir depuis Vercingétorix, Philippe Auguste, ou Louis XIV ; puce qui aurait été implantée aussi dans le cerveau de tous les habitants, renouvelés, ou tenaces, qui peuplent ce coin extrême de l’Europe occidentale, cette sorte d’impasse géographique où s’entassent jusqu’aux XVe siècle, en se liant entre eux, les divers arrivants, venus par grandes vagues ou par arrivées individuelles. De ce territoire en voie d’organisation, ils ne sortiront qu’avec les commerçants et les navigateurs des « grandes découvertes », qui renouent avec les pérégrinations vers l’ouest, l’ailleurs et l’inconnu.

Les auteurs replacent le territoire dans le grand mouvement mondial, continental ou intercontinental, d’appétits et de projets, d’échanges et de bagarres, de tentation et d’énergie. Ils nous donnent à comprendre et à lire une histoire dynamique et ouverte.
Finkielkraut en est furieux, on lui démolit sa « France éternelle » pour la voir en train de se faire, au gré des hasards, des projets ratés ou réussis et des intérêts.

On peut sans doute lire ce très gros ouvrage dans tous les sens, en ouvrant au hasard ou en cherchant par dates ou évènements ; personnellement, je l’ai pris au début et je vais à la fin, sans dévier de la chronologie.

Ce livre recèle une bibliographie très récente sur tous les sujets traités. Il ouvre des perspectives infinies de lectures.