Rattrapage express

Ma « rentrée » parisienne en trente lignes. Avec retard.
Juste quelques éclats, histoire de reprendre un peu la main avant de foncer dans le dur du Festival d’Automne.

De la musique surtout.

Philharmonie, Boston Symphony Orchestra
HP

Les plaisirs de septembre, à la Philharmonnie ; comment dire Andris Nelsons arrivant presque en courant, si jeune, heureux, dynamique, à la tête du Boston Symphony Orchestra, pour bisser la dernière partie, enthousiasmante, de la splendide symphonie n°10 de Chostakovitch ; la surprise de trouver un petit motif de 7 notes du Chevalier à la Rose dans le chant agreste de la IVe symphonie de Mahler, sous la direction de Philippe Jordan, venu en voisin, avec l’orchestre de l’Opéra. L’atmosphère musicale lumineuse qui se créée à chaque concert, dans cette salle, si elle n’est pas décrite dès le lendemain, échappe à l’écriture, s’éparpille comme un paysage marin, en notes, en tourbillons, en vagues, en gerbes, en gouttes et filets d’eau sonore, en sensations, mémoires, enchaînements, surprises ou rencontres attendues, plus ou moins adossées aux écoutes précédentes, et pourtant toujours transformées.

Le Freischütz, donné en version de concert au Théâtre des Champs Élysées, a adopté une couleur franchement politique par la transposition des dialogues en une sorte de monologue confié, à Samiel, au diable en personne, excitant Kaspar (magnifique Dimitri Ivashchenko) et Max aux plaisirs de la chasse pour ce qu’ils sont, la version mortelle d’un type de relation (amour, guerre, rivalité, soumission) qui peut tomber sur les humains. Plaisir d’une musique en pleine inventivité, en pleine transformation, qui s’inscrit à la suite de l’innovation de Fidelio.

Ariane à Naxos, malgré la défection, qui devient fréquente, de la charmante Anja Harteros, m’a donné le plaisir d’entendre, non mis en scène, l’opéra de Richard Strauss. On se concentrait mieux ainsi sur le brillant merveilleux et le hardi patchwork de la musique, ensorcelante d’un bout à l’autre, les vocalises inouïes de Zerbinetta (Brenda Rae), les plaintes d’Ariane (Amber Wagner) abandonnée, désirant la mort.
La veinarde ! À la place de ce crétin de Thésée, c’est la coqueluche mondiale des ténors - justifiée -, c’est Jonas Kaufmann qui débarque, il est le dieu Bacchus étourdi lui-même par Circé, survenu au centre de l’orchestre, avec sa voix indépassable, étrangeté absolue parmi les humains de l’Île, et, séduit, il la conduit à nouveau à la vie. J’en ai tout à fait oublié l’asence d’Harteros.

Au théâtre, une erreur, une vraie erreur : l’adaptation la deuxième grande pièce de ce pauvre Schiller (Kabale und Liebe), mise en scène par Yves Beaunesne et en tournée, à Malakoff : faire d’un drame romantique, politique et social, une sorte de bouilie-farce, dans une adaptation lamentablement XXIe siècle sur le plan des dialogues, ou XIXe passe-partout avec un zest de XXe sur le plan des costumes, n’ est pas pardonnable. Presque tous disaient assez mal un texte rendu incompréhensible, souvent vulgaire, forcé, sauf le jeune homme (Thomas Condemine) qui jouait Ferdinand : il était charmant et très bon comédien, mais à lui seul, il ne sauvait pas le parti désolant de faire jouer une œuvre fondatrice du romantisme allemand XVIII (le Sturm und Drang tout de même !), comme un semi-vaudeville mal ficelé. Je suis partie après une heure et quart difficile et pour en éviter encore bien davantage.

A bientôt des nouvelles du Roi Lear, j’y vais dimanche prochain.