Freiheit/Freude, gloire à Ludwig Van Beethoven
Hier, 18 décembre, comme une sorte de couronnement du 250e anniversaire de la naissance de Ludwig van - comme l’appelle le héros d’Orange mécanique, Kubrick, 1971 -, la chaîne Mezzo a retransmis la 9e symphonie de Beethoven, jouée et enregistrée à Berlin en l’honneur de la chute du Mur, en Novembre 1989.
La symphonie, dirigée par Leonard Bernstein [1] , avec un orchestre et des chœurs magnifiques, aux proportions énormes, était un immense hymne au prodigieux génie du compositeur, à son courage (n’oublions pas qu’il était devenu sourd), à son énergie, à sa hardiesse, à sa conscience de l’Europe, à l’unité des humains, à la joie, bien sûr, et à la liberté.
Significativement, les paroles du poème de Schiller - la célèbre Ode à la Joie du 4e mouvement -, ont été modifiées ce soir-là pour cette représentation grandiose, ébouriffante, enthousiasmante : ce n’était plus Freude (Joie) que lançait la basse (J. H. Rootering) en nous arrachant à la contemplation supraterrestre du 3e mouvement, en nous remettant les pieds sur terre, mais Freiheit (liberté) : pas de liberté sans joie, pas de joie sans liberté, mais après le 9 novembre 1989, la liberté était la clé de la joie, bien sûr.
Tous les participants, musiciens de l’orchestre, chœurs (hommes, femmes, enfants), chef (Leonard Bernstein), solistes [2], public, étaient électrisés, et moi aussi, sur mon divan, ils faisaient éclater l’espace de mon appartement, pour une fois, je ne soupirais pas contre l’ersatz de la musique retransmise : la beauté était si grande et leur bonheur, chez tous, était si communicatif que j’avais l’impression d’être avec eux, là-bas, je ne sais plus dans quelle salle immense à Berlin il y a trente-et-un ans, on sentait la chaleur sociale de la communion intense et si particulière qui se développe dans les concerts live. Pour la première fois depuis le 29 février 2020 (mon dernier concert en salle au Théâtre des Champs-Élysées, et, déjà, c’était la 9e symphonie de Ludwig van), j’avais ce vrai plaisir incommensurable, inracontable, que donne la musique, cette dissolution de la personne dans la musique et ceux qui la font, cette impression si forte de l’humanité intelligente de chacun et de tous. Plaisir qui dépasse de très loin tous les autres, en les contenant tous, exaltés.
On pouvait aussi pleurer en voyant le temps passé et gâché depuis 1989, dans les querelles minables et hargneuses des anti-européens, des tentatives autoritaires, des brexiteurs et des consommateurs bornés, temps passé, temps perdu, encore temps ?
Notes
[1] On admire sa vitalité prodigieuse, alors qu’il devait mourir un an plus tard.
[2] June Anderson, Sarah Walker, Klaus König et Jan-Hendrik Rootering