Podcast et Quasimodo Chronique d’un printemps 24
Paris, mardi 7 avril 2020
Ce matin sur France Culture, un invité passionnant, Thomas Gomart, de l’Institut français des relations internationales (IFRI), a expliqué comment le virus révélait le jeu des fils de trame entre trois grandes puissances - Chine, USA, Europe - , comment la stratégie, les sources d’énergie, l’alimentation, le sanitaire et le numérique, se combinaient et nous enveloppaient comme un filet ; il en a retracé le chemin depuis 1971, c’est trop long à ré-expliquer. « Comment l’épidémie redessine la carte du monde », tel était le thème de l’émission. Malgré la patauderie de Guillaume Erner qui a été carrément odieux à 8 h 48, en lui coupant la parole sur l’avenir qu’il commençait à dessiner (et dieu sait qu’on en a besoin, de cet avenir...), Thomas Gomart a été lumineux, je ne peux que recommander d’écouter l’émission en podcast, ce que je vais faire. J’ai aussi très envie de lire son livre, L’affolement du monde.
En attendant, hier j’ai savouré, avec toute l’amertume voulue, L’étrange défaite de Marc Bloch, en m’étonnant sans arrêt de ne pas l’avoir lu auparavant. Le sens de l’espace, dans une guerre, est si bien analysé : en 1940, l’État-Major, en gardant le sens de l’espace hérité des années 1914, avait oublié que, entre temps, en vingt ans, les armées avançaient à une tout autre allure, les chars rapides des Allemands, leurs unités motorisées, leurs voitures, se jouaient du sens français des distances : reculer le front de 100 km avait un sens défensif et tactique en 14, mais devenait ridicule en 1940 ; en moins de quelques heures l’arrière devenait l’avant, ou même se trouvait devenu l’arrière des troupes allemandes fonçant à toute vitesse, créant ainsi des poches où ramasser les troupes françaises isolées, débandées et/ou prisonnières.
Je suis complètement à cheval sur mes deux périodes, qui bavent l’une dans l’autre.
Aussi, vais-je lire Thomas Gomart en vitesse, pour suivre mieux le train moi-même.
Petit tour élargi du pâté de maison. Les trottoirs salis par les pigeons. Temps inaltérable, revenu ce matin après une grisouille de courte durée hier.
Et le soir, l’annonce du décès d’un de mes anciens collègues, après trois semaines de réanimation, dues à cet affreux virus, m’a plongée dans la tristesse. Jacques Le Brun, si gentil, si savant, si agréablement simple, avec qui j’ai partagé tant d’années à l’EPHE.
Blandans, dimanche 7 avril 1940
Dimanche de Quasimodo. Le nom du dimanche après Pâques provenait du début d’un chant qui survenait je ne sais plus à quel moment dans l’office de ce jour-là « Quasi modo geniti infantes, comme des enfants nouveau-nés… ».
Quasimodo, dans Notre-Dame de Paris, enfant trouvé, l’avait peut-être été ce dimanche-là.
A l’église, on chante toujours nos acclamations carolingiennes, Christus vincit etc. Affaire de temps.
La désintégration se prépare.
Dans la Baltique, ça chauffe. On entend ça aux nouvelles, les Britanniques indiquent des « mouvements » vers la Norvège. Des noms difficiles à retenir, je ne retiens pas. « Les Anglais exagèrent peut-être », commente la famille, encore autruche, ne voulant pas y croire. Adèle, avec l’expérience de 1870 incrustée dans ses langes, n’a pas l’air rassurée du tout. Mais il est vrai que la Norvège, pour l’instant, c’est dans l’autre sens.