Nuit debout
Le mouvement Nuit debout s’est installé depuis une quinzaine de jours à Paris, Place de la République. Dans la grande mélasse politique, il se passe quelque chose, les journalistes accourent. Les commentateurs y vont bon train, tentant de cerner, de ramener à du connu, à soupeser, évaluer etc.
Mouvement à suivre : il essaie de se diffuser hors de son lieu de naissance. Je me sens trop vieille pour aller debout dire pourquoi je proteste ou écouter les autres, sur une place parisienne dans la nuit, sous le charme romantique des réverbères et des bourgeons ou feuilles minuscules. A priori, j’ai de la sympathie pour ce qui bouge.
Comme je n’y suis pas allée, je ne risque nulle réflexion ni aucune description, je veux juste faire deux remarques qui relèvent l’une et l’autre de l’usage du temps civil par les auteurs du mouvement, notre temps, celui de nos montres et de nos portables, celui du calendrier des Postes ou des Pompiers, celui de nos corps biologiques dans le système solaire.
1. L’intitulé propose une attitude : Debout, oui, Get up ! Stand up ! etc., belle et vieille référence musicale mais ce sont les nouvelles générations, en français dans le texte, très bien. Je trouve cet adverbe bien meilleur que des qualificatifs faits avec des participes passés, du genre Indignés. Mais pourquoi se restreindre à n’être debout que la « nuit » ? Les gens qui habitent loin, ceux qui sont vieux, ceux qui travaillent le jour et donc doivent dormir la nuit, ceux qui travaillent de nuit et donc ne peuvent pas venir, en sont-ils de fait exclus ?
2. La datation adoptée : on serait aujourd’hui le 45 mars, quinzième jour après la nuit où on s’est mis debout ? Là, je rigole un peu. L’incongruité de la date plairait à Alice au Pays des Merveilles. Le temps public et commun ne se laisse pas manipuler comme ça, c’est un socle, il résiste ; tout dater du 30 mars est plaqué, plutôt nombriliste et assez naïf. Et quel étrange respect des origines, surtout quand on se propose comme tel ? Ignorance des expériences précédentes ? Même le sublime calendrier révolutionnaire, Germinal, Messidor, Vendémiaire, Nivôse etc.. s’est cassé la figure. Il y a de la naïveté utopique ou de la prétention gentille à tout dater du 30 mars, comme s’il n’y avait rien eu avant, pas d’histoire et pas de projet.
Il ne faut pas de rétroviseur fondateur. Demain, ce sera le 15 avril, sans autre contorsion.