Capriccio, Richard Strauss Opéra de Paris
La soirée d’hier à Garnier (25 janvier) était bien décevante. La mise en scène de Robert Carsen pour Capriccio date de plusieurs années, elle est toute en redondance - l’opéra dans l’opéra, les coulisses dans les coulisses, les colonnes et les ors tarabiscotés de Garnier dans les colonnes et les ors tarabiscotés de Garnier, la fiction dans la fiction - et elle répète à satiété l’idée que Richard Strauss a esquissée dans le livret mais non dans la partition qui est un merveilleuse cnstruction sur l’histoire de la musique et les questions qu’on lui adresse.
Je l’avais vue quand elle a été créée, et la production datait déjà, pour cette raison de surlignage acccentué, on avait déjà envie de dire à Carsen que oui, on avait compris l’une des intentions - désenchantée - du livret. Avec le temps, je me suis demandé s’il n’en avait pas encore un peu rajouté, elle m’a paru vraiment lourde et soporifique. Les costumes hésitent entre le banal et une certaine laideur, sont censés inscrire l’opéra dans les années Trente ou Quarante.
Dans la distribution vocale, personne ne chantait mal, bien sûr, mais personne ne vous emportait non plus. La Comtesse (Emily Magee) était à peu près bien dans la plus grande partie des scènes de salon, mais, une fois seule, s’interrogeant sur ses amours et sur la coexistence de la musique et de la parole, sa voix est devenue dure, parfois difficile, sans émotion.
Pour me distraire, je cherchais - sans les trouver - des idées de mise en scène pour ce dernier opéra (Daphné mis à part), d’un vieux monsieur très talentueux qui avait derrière lui une immense œuvre lyrique, et qui voyait s’effondrer son monde : au moment de la création à Munich (octobre 1942), la bataille de Stalingrad dure depuis trois mois et va entrer dans le terrible hiver. L’Europe a froid, elle a peur et elle hurle.
Au lieu de surligner, avec un humour assez pauvre, la partie la moins inventive et la plus enfermée de l’œuvre, ne faudrait-il pas la jouer en contraste, l’éclairer du dehors, la contextualiser un brin, autrement que par les costumes ?
Ou évoquer le travail musical ? La montrer comme une construction progressive, un chantier d’architecture ? Ou de fouilles ? Avec ses équilibres, ses reprises, ses remplois, ses échafaudages, ses plans, ses ouvriers, ses chefs de chantier ?
Ou, délibérément, n’en faire qu’une grande répétition, austère ? C’est ainsi que je l’avais vue, il y bien longtemps, à Garnier, en version de concert. C’était un peu hard, mais on entendait la musique et les paroles. On n’était pas étouffé, comme hier, par le cadre démodé de cette belle et savante « conversation sur la musique ».