Chers Corps célestes

1979, Traité sur la Lune

En juillet 1979, dix ans presque jour pour jour après la mission Apollon XI qui a vu les cosmonautes américains planter le drapeau américain sur le sol lunaire, le Traité de 1967 est flanqué d’un additif également voté à l’ONU. On est encore en pleine Guerre froide : les négociations ont été menées depuis 1971 entre l’URSS et les USA ; les deux super-puissances jouaient elles-mêmes avec le Tiers-Monde et les non-alignés dont l’Inde. Elles aboutissent à un accord prudent, ménageant la chèvre et le chou, adopté par la résolution 34/681 de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 5 décembre 1979. Le texte a été ouvert à la signature le 18 décembre 1979. Cet accord a été analysé de manière très précise et replacé dans son contexte historique par Simone Courteix, spécialiste de droit de l’espace, dans l’Annuaire Français du Droit International.

Il comprend entre autres un principe de démilitarisation de l’espace et de protection de l’environnement. Mais l’aspect vague et en quelque sorte utopique de la notion d’intérêt général de l’humanité qui doit être la clé de voûte des activités humaines, reste une porte ouverte.

En mars 1983, lorsque le Président Ronald Reagan crée l’Initiative de défense stratégique (IDS), popularisée dans les médias sous le nom de guerre des étoiles, il s’agit de pouvoir intercepter les missiles ennemis du bloc soviétique par des missiles envoyés depuis le sol terrestre ou de satellites sous-orbitaux, et non dans l’espace extraterrestre : les traités de 1967 et de 1979 ne sont donc pas en question. La réalisation est très coûteuse, et lorsque la Guerre froide se meurt quelques années plus tard, Clinton réduit grandement cette activité et, donc, les crédits de la NASA. Dans les premières années du XXIe siècle, en raison de nombreux engagements sur Terre, sous la présidence de George W. Bush, la partie extra terrestre de la NASA revoie ses ambitions à la baisse, se cantonne surtout aux missiles terrestres, Patriot et autres, et repousse le retour américain sur la Lune. Nouvelle porte ouverte au privé, aux patrons puissants de Google et Amazon, ou autres milliardaires.

2015 Space Act

C’est alors que, en 2015, Obama donne une interprétation du Traité de l’Espace de 1967 en remarquant que dans ce dernier, on parle bien de l’espace extra-atmosphérique comme d’un bien commun à l’humanité, inaliénable, mais il n’est nulle part question dans les pages des cinq traités qui composent le texte des ressources contenues dans cet espace, qui, elles, seraient donc découpables, utilisables, exploitables au gré de celui qui veut s’y coller. Un genre Far West.

Cette interprétation de l’administration Obama ne fait pas l’objet d’un traité international, mais d’un « Space Act », propre aux États-Unis, loi adoptée par le Congrès en novembre 2015 puis ­promulguée par le président Barack Obama un mois plus tard. Il permet aux Américains non seulement de prospecter l’eau et les métaux des astéroïdes et des planètes, mais de les extraire et de les vendre. Les entreprises privées intéressées peuvent ainsi se lancer dans l’affaire : les géants du Net et de l’Information, Google et Amazon, et divers consortiums privés dotés de bien plus riches moyens que la NASA, s’allient avec cette dernière, donnant-donnant, profitant de sa science et de son expérience, tous s’engouffrent dans l’affaire avec d’immenses projets.
Les Russes et la Chine protestent à l’ONU, mais celle-ci ne peut rien sur une loi des USA.
Une fois encore, dans l’Histoire, les États-Unis contreviennent ouvertement à un traité qu’ils ont signé auparavant, en parfaite illégalité et impunité.

2020, le projet Artemis

Le 13 octobre 2020, Donald Trump complète le dispositif d’Obama en l’internationalisant à propos de la Lune. Il propose aux États désireux de s’associer au projet d’exploitation de travailler en partenariat avec la NASA, en partageant les connaissances : le Canada, l’Australie, le Royaume Uni, le Luxembourg, l’Italie, les Émirats Arabes Unis, le Japon, signent le projet. L’Europe s’est effritée, on le voit, sur cette question.
L’Inde et la Chine, jouent perso. Poutine joue plutôt ailleurs.
Le projet général prend le nom d’Artemis, petit signe à la mythologie grecque, pour dorer la pilule. Mais c’est bien de gros sous et de pouvoir qu’il s’agit. On a vu dans l’été 2020 les premiers essais privés de navette récupérable (Virgin Galactic), sous couleur d’une tentative de tourisme sur la Station Spatiale Internationale.

Bien loin du coronavirus et dans l’indifférence générale, une grande agitation de conquête spatiale se développe. Comme il y a, en juillet 2020, une fenêtre de tir favorable pour atteindre Mars, chacun commence à placer ses pions bourrés de technologie sur orbite. Narquoise réponse au confinement.

Planète Mars, Février 2021

L’administration Biden a récemmet pris les décrets nécessaires pour poursuivre la politique spatiale d’Obama et Trump et de leurs « partenaires ».

Aujourd’hui 18 février 2021, le rover Perseverance (NASA ), lancé en juillet 2020 doit se poser sur Mars pour prélever des échantillons et plus tard ils seront rapportés sur Terre pour analyse, à la recherche de traces de vie.

Le 9 février, les Émirats Arabes Unis - qui se recyclent dans le spatial en vue de l’abandon du pétrole et construisent des maquettes grandeur nature de villes spatiales destinés aux futurs colons -, ont réussi à placer leur sonde d’observation en orbite autour de Mars, elle s’appelle Hope, Espoir. Elle doit utiliser trois instruments scientifiques pour surveiller l’atmosphère martienne et devrait commencer à transmettre des informations en septembre, des données auxquelles les scientifiques du monde entier (ceux du projet Artemis, je suppose) auront accès.

Le 10 février, c’était l’arrivée de la Chine, cavalier seul, grande rivale des USA et donc d’Artemis : la sonde chinoise d’observation dont le nom est si poétique, Tianwen-1 (« Questions au ciel-1 »), s’est installée dans l’orbite de la Planète rouge, avec les mêmes intentions que Hope. Elle sera suivie, en principe, de l’arrivée d’un robot destiné à se poser et à explorer less traces de vie à la surface du sol martien d’ici quelques mois.

Inutile de faire un dessin, quand on sait que l’information (satellites), la sécurité, l’industrie, l’avenir, se jouent là-haut et s’y traitent déjà [1]. Nul doute que ces courses à l’espace servent à la fois la connaissance et de gros intérêts politiques, économiques et financiers, vaste épopée parée de noms de dieux et de vertus [2].

Cliché d’arrivée de Perseverance
HP sur télé

Notes

[1La Lune n’est pas oubliée : le projet Artemis s’y intéresse beaucoup, pour exploiter l’eau et l’énergie (hydrogène) de cet astre.

[2Mes connaissances scientifiques étant à la fois réduites et anciennes, j’espère ne pas avoir écrit trop de bêtises dans cette chronique.