L’Avant-garde russe, Vitebsk, 1918-1922 Centre Pompidou, 28 mars 2018 – 16 juil. 2018

Samedi dernier, je suis allée au Centre Pompidou voir la nouvelle exposition intitulée L’avant-garde russe, Vitebsk,1918-1922. Depuis que j’en suis sortie je ne pense plus qu’à ma rencontre avec ce débordement d’inventivité, de lumière, d’espoir, d’énergie. Je connaissais et j’aimais déjà plusieurs de ces artistes, mais isolément, je n’avais encore pris garde à cette concentration dans l’espace et le temps avant l’expo de Beaubourg.

1918 : à Vitebsk, une ville moyenne de l’empire russe effondré à l’automne précédent, dont la population est à plus de 50% d’origine juive, Moshé Chagalov (Marc Chagall, qui a séjourné à Paris et ocidentalisé son nom) fonde une école d’art populaire, ouverte à tous, et gratuite ; il y invite Iouri Pen, El Lissitzky, Kasimir Malevitch, Vera Ermolaeva etc., l’avenir est devant eux, surexposé, plein de projets. L’immensité des espoirs suscités par la Révolution va s’incarner, devenir une fête de l’esprit et de la matière, de la peinture, de l’architecture, de l’espace, de la couleur et de la ligne, de la pureté des lignes et de leur dynamisme. Les conceptions radicales de la peinture, le suprématisme de Malevich, l’utopie plus figurative de Chagall, s’y affrontent et s’y développent, il y a plus de 600 élèves. L’abstraction pure de Malevich et Lissitzky l’emportera sur Chagall, mais, moins de quatre ans plus tard, la pesante main bolchevik va s’abattre, imposer le réalisme soviétique. Les artistes s’exilent, ceux qui restent se trouveront écartés, privés de crédits, traînés en procès en 1937 (Vera Ermolaeva) comme ennemis du peuple et/ou assassinés (Iouri Pen).

J’ai été éblouie par l’intense dynamisme et les beautés paradoxales de l’école de Vitebsk si bien que tout ce que j’ai fait ou vu ou lu, juste avant et juste après ( L’Or du Rhin et La Walkyrie pourtant eux aussi éblouissants sous la direction de V. Gergiev à la Philharmonie, Delacroix au Louvre, le Benvenuto Cellini de Berlioz à Bastille), s’est trouvé pour l’instant à son tour explosé dans ma tête. Je reparlerai sans doute de ce Ring, très intéressant et particulier, en septembre, lors de la représentation des deux autres opéras de la Tétralogie qui auront lieu.

J’ai acheté l’affiche (une œuvre de Malevich, cf ci-dessous), je l’ai collée dans le couloir sur la porte de ma cuisine, où elle a aussitôt explosé l’espace.

Ce petit texte n’est là que pour inciter à aller voir et revoir sur place ce tournant superbe de l’art du XXe siècle ; la vue et le contact avec les œuvres réelles valent plus que les mots qui ne peuvent rendre la beauté, dans l’espace et dans l’histoire : on y côtoie aussi le tragique des lendemains qui déchantent.

Malevitch, Supremus, Saint Petersbourg
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