Une manif en sur-place Impressions

Moi qui suis une vieille combattante, je n’ai jamais vu autant de monde, aussi serré, sur une surface aussi immense. La carte diffusée hier par Le Monde montrait toute la surface occupée dans Paris par les manifestants, elle était impressionnante. Toute la rive droite, entre la Gare du Nord et Beaubourg jusqu’aux boulevards de l’Est et du Nord et Nation.
Je suis arrivée à 2 heures à Jacques Bonsergent. Où le quai était encore noir du monde du précédent métro. J’ai gagné la place de la République dans la foule sans trop de difficulté. Essayé de progresser vers l’Avenue de la République que devait suivre la manif.

Mais il n’en était pas question. C’était complètement blindé de gens tassés. Pris la décision (naïve) de passer par le côté opposé de la place. Là, c’était pareil, je suis restée bloquée devant le MacDo puis la BNP en avançant d’environ 10 mètres en une demi-heure, tout ça pour se tasser encore plus, on était tellement serré que je ne pouvais même pas prendre une photo (sauf une, le drapeau du Sri Lanka, le monde entier était là), je n’aurais eu que la doudoune de devant.
Tous coincés mais finalement on n’était pas fâchés, on était tellement nombreux, c’est ce qu’on voulait... sauf qu’on était vraiment comme dans un wagon de métro aux heures de pointe. Vers 3 heures et demie, avec une vingtaine de gens autour, on a essayé de partir par la rue du Temple. Elle était aussi bouchée que la place. Les très grands nous donnaient des renseignements, à perte de vue, ça arrivait, encore, et encore. Je distribuais des pastilles de menthe, car tout le monde se sentait un peu étouffé. J’ai bavardé avec un homme de mon âge à peu près, on avait fait toutes les mêmes manifs depuis la guerre d’Algérie, l’Odéon ou Charonne en 1961. On a ri, on se disait qu’on était devenu l’équivalent des courageux vieux schnocks qu’autrefois, on rencontrait avec respect dans nos manifs et qui avaient fait 36.

Les gens à la fois sérieux et gais, très gentils, toutes les couleurs, tous les âges, des enfants (les malheureux parents les tenant sur leurs épaules ), des vieux de la vieille et des « primo manifestants », j’ai vu des poussettes, une aveugle avec une canne blanche au bras d’un type, plein de crayons fixés sur les têtes. Pas de bousculade, tout le monde était très gentil vraiment et respectueux les uns des autres, s’excusant de se marcher sur les pieds etc. Pas de slogans sauf de temps en temps Charlie, Charlie. Dans la manifestation, quelques personnes entonnaient la Marseillaise, dont la musique seule est si belle, mais ses horribles paroles Aux armes, le sang impur etc. ne sortaient pas de ma bouche. Je n’aimais pas entendre ça. À deux pas de Richard Lenoir, je trouvais ça indécent, lourd de menaces, d’intolérance. Terrifiant.

Une personne a dû faire un malaise quelque part car les pompiers ont réussi à passer avec un brancard. On en a profité pour tenter un forcing et vers 4 heures et demie, on est arrivée à marcher à peu près ensemble, comme une manif normalement serrée dans la rue ND de Nazareth, en direction de la gare de l’Est... on manifeste dans le sens qu’on peut ! Au carrefour d’Arts et métiers,, chacun a continué comme il pouvait, dans n’importe quelle rue. Pour ma part, je suis allée aux Halles par la rue Beaubourg, noire de monde aussi, pleine de gens qui n’avaient pas pu arriver jusqu’à République. RER B. J’étais rentrée chez moi vers 17.30. Tous les SMS des amis disaient la même histoire. J’ai regardé à la télé le monde immense qu’on avait contribué à former.

J’ai admiré la gestion de cette terrible semaine par Hollande, et ce dès son arrivée Bd Richard Lenoir à 11 heures et demie le 7 janvier. Le même soir, j’ai aimé ses mots « Aujourd’hui, ce sont nos héros », en parlant des victimes de cette tuerie. Oui, ce sont nos héros, ceux de la liberté de conscience, d’opinion, d’expression, de rire, la défense des citoyen.
Quand je pense à ce qu’aurait pu être la gestion de la crise et des manifestations avec Sarkozy et Hortefeux ou Guéant.
Pourvu que ce Préside et ce gouvernement tiennent le coup entre la sécurité et la liberté, ne se laissent pas engluer dans les sirènes mortelles des religions et des sécuritaires, qu’ils ne se fassent pas déborder par ceux qui, comme Pécresse, réclament un « Patriot Act à la française ». Qu’ils écoutent Mireille Delma-Marty et sa sage mesure.

Sur ces questions trop grandes pour être abordées dans la foulée de ce petit paquet d’impressions, j’aimerais revenir, car les suites de 2001 donnent à réfléchir, les images à cette époque, étaient déjà si parlantes.
De toute manière je n’arrive pas à faire autre chose qu’à penser à toute cette actualité, son histoire récente, ses perspectives.