Bernard
Je ne me sens pas l’envie d’enfermer Bernard dans une longue chronique : bloqué, il l’a trop été dans les dernières années de sa vie, après l’AVC dont il a supporté les séquelles avec un courage sans borne et une gentillesse infinie, que son regard offrait aux visiteurs.
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Il demeure pour moi cet homme charmant, un peu insaisissable parce que multiple, avec son esprit nuancé, si attentif aux autres, aux variations, aux assonances ou aux dissonances du temps ; son humour, son rire ; son attirance profonde vers la philosophie, les religions, leurs facettes, leur histoire, leur mysticisme ; son inquiétude devant les invasions techniques (ça allait du changement d’ampoule à l’informatique à l’exception notable de l’iPhone) ; son goût pour la littérature et les écrivains de tous temps et de toutes nationalités qu’il aimait, d’Héraclite à Kerouac, sans compter ses auteurs des Editions du Félin ; sa curiosité ; son amour de la conversation et de la discussion ; sa passion pour les cafés et les librairies, pour Paris, pour la mer ou la campagne ; pour la cuisine (ah ! son veau à l’estragon et son bœuf bourguignon !) et les bons repas ; son amour pour l’opéra, les films et les séries télévisées ; ses collections de bouts de tissus, ses collections de cahiers et de carnets, ses palettes et ses couleurs, les écorces, les bois flottés, les couvercles de boîtes ; son plaisir à lire les revues, les journaux ; ses meubles de bibliothèque toujours insuffisants, les livres rangés et plein d’autres en piles, la délicatesse avec laquelle il les manipulait ; sa manière si particulière de se comporter dans une exposition, qu’il visitait plusieurs fois, d’abord à toute vitesse pour saisir l’ensemble, puis en s’arrêtant longuement, la « remontant », passant de salle en salle, deux fois, trois fois, on ne savait jamais où il était, et pourtant à la sortie, il avait tout vu, avec sa culture, sa mémoire et sa sensibilité prodigieuses, savourant également les classiques et les modernes, et les artistes contemporains q’il découvrait.
Ci-dessous, un tableau de lui que j’aime beaucoup : c’est une gouache sur bois, sans date, sans titre - il n’en mettait jamais, laissant le choix possible et l’interprétation du moment au spectateur -, de 40 cm sur 13 cm, bleue, blanche, lumineuse, évoquant pêle-mêle la Grèce, le Portugal ou les îles de l’Atlantique, le repos, le bien-être, la maison et l’ouverture, la simplicité élégante et la finesse, loin de toute ostentation, proche du rêve et du mystère.
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À chacun de nous à présent de faire jouer son rapport avec lui, dans la liberté et la plasticité des souvenirs.
Si vous cliquez sur le PDF ci-dessous, vous avez accès aux textes lus lors des deux cérémonies qui ont marqué sa disparition.