Bernard

Je ne me sens pas l’envie d’enfermer Bernard dans une longue chronique : bloqué, il l’a trop été dans les dernières années de sa vie, après l’AVC dont il a supporté les séquelles avec un courage sans borne et une gentillesse infinie, que son regard offrait aux visiteurs.

Bernard dans le jardin d’Antony, 2004

Il demeure pour moi cet homme charmant, un peu insaisissable parce que multiple, avec son esprit nuancé, si attentif aux autres, aux variations, aux assonances ou aux dissonances du temps ; son humour, son rire ; son attirance profonde vers la philosophie, les religions, leurs facettes, leur histoire, leur mysticisme ; son inquiétude devant les invasions techniques (ça allait du changement d’ampoule à l’informatique à l’exception notable de l’iPhone) ; son goût pour la littérature et les écrivains de tous temps et de toutes nationalités qu’il aimait, d’Héraclite à Kerouac, sans compter ses auteurs des Editions du Félin ; sa curiosité ; son amour de la conversation et de la discussion ; sa passion pour les cafés et les librairies, pour Paris, pour la mer ou la campagne ; pour la cuisine (ah ! son veau à l’estragon et son bœuf bourguignon !) et les bons repas ; son amour pour l’opéra, les films et les séries télévisées ; ses collections de bouts de tissus, ses collections de cahiers et de carnets, ses palettes et ses couleurs, les écorces, les bois flottés, les couvercles de boîtes ; son plaisir à lire les revues, les journaux ; ses meubles de bibliothèque toujours insuffisants, les livres rangés et plein d’autres en piles, la délicatesse avec laquelle il les manipulait ; sa manière si particulière de se comporter dans une exposition, qu’il visitait plusieurs fois, d’abord à toute vitesse pour saisir l’ensemble, puis en s’arrêtant longuement, la « remontant », passant de salle en salle, deux fois, trois fois, on ne savait jamais où il était, et pourtant à la sortie, il avait tout vu, avec sa culture, sa mémoire et sa sensibilité prodigieuses, savourant également les classiques et les modernes, et les artistes contemporains q’il découvrait.

Ci-dessous, un tableau de lui que j’aime beaucoup : c’est une gouache sur bois, sans date, sans titre - il n’en mettait jamais, laissant le choix possible et l’interprétation du moment au spectateur -, de 40 cm sur 13 cm, bleue, blanche, lumineuse, évoquant pêle-mêle la Grèce, le Portugal ou les îles de l’Atlantique, le repos, le bien-être, la maison et l’ouverture, la simplicité élégante et la finesse, loin de toute ostentation, proche du rêve et du mystère.

Bernard Condominas, gouache sur bois, Sans titre, sd, 40 cm x 13 cm

À chacun de nous à présent de faire jouer son rapport avec lui, dans la liberté et la plasticité des souvenirs.
Si vous cliquez sur le PDF ci-dessous, vous avez accès aux textes lus lors des deux cérémonies qui ont marqué sa disparition.

Textes lus par les amis de Bernard au crématorium de Clamart (18 Mai 2023) et au cimetière d’Antony (19 mai 2023).