« Atmosphère ? » Les aventures de l’Évolution

L’autre soir, Arte a passé Hôtel du Nord (Marcel Carné, 1938), que je n’avais pas vu depuis une éternité, que j’ai trouvé d’un démodé incroyable, tant dans le tournage que dans l’histoire qui se déroule, que dans les têtes et maquillages des acteurs, les clichés sur le Paris populaire etc. J’ai admiré les tenues vestimentaires d’Arletty. Pas tressailli à sa fameuse réplique « Atmosphère », qu’on a trop entendue. Mais je sentais, effet du temps, l’atmosphère poisseuse des années Trente, leurs clichés morbides, le mythe des colonies (Port Saïd), ce monde un peu faux où l’on danse sur un volcan, avant la guerre.

Ce constat un peu désabusé, c’est le thème de Billy Wilder et moi (Gallimard, 2021), de Jonathan Coe, roman que je viens de finir, en bâillant. Le temps qui passe, les modes qui se démodent, les amours qui sont décalées, autant de réalités vécues par chacun de nous. Le roman m’a paru artificiel, poussif, écrit sans grâce, ou mal traduit [1]. Comme je passe du temps, étant donné mon âge, à réfléchir souvent sur ces choses du monde - le temps qui passe, le cinéma, les relations etc.- , ce livre ne m’a pas du tout aidée à y penser de manière légère et profonde à la fois. Si mon intérêt pour Billy Wilder tient le coup, le personnage de la narratrice, en revanche, m’a semblé totalement creux.

« Les Origines du monde. L’invention de la nature au XIXe siècle »

Je suis allée au Musée d’Orsay, voir comment le XIXe siècle a abordé précisément cette éternelle question à partir des origines de la vie et de l’évolution ; où étions-nous et depuis quand ? Que sont devenus les dinosaures ? Les singes sont-ils nos cousins ou nos grand-parents ? Pourquoi apparaissons-nous et disparaissons-nous ? Que deviendrons-nous ?

J’ai bien aimé cette association du Musée et du Muséum pour donner des idées sur cette période de grande transformation politique et sociale, cette conquête de l’espace et de la pensée, dans l’ensemble du monde, à partir des conquêtes des Lumières. Comment passer du Paradis Terrestre à Darwin ?

L’exposition offre une partie de ce grand élan qui a fait tache d’huile dans le monde scientifique, et qui a gagné le monde artistique, on en discerne ici quelques contours, quelques repères, on peut en explorer quelques mythes et légendes ou réalités fossiles, leur progression puis leur remplacement dans les esprits, leurs représentations, surtout européennes. On avance pas à pas dans des salles bien sombres pour moi, - ma vue devient hasardeuse, il faut le dire -, où j’ai vu des tableaux qui donnent une idée de l’exotisme, de la beauté et de la richesse de la Terre - à se demander ce qu’on va faire sur Mars, si sec et si ennuyeux - les forêts, les faunes et les flores, des lacs, des brouillards, leurs amoureux si savants et si aventureux, des peintures de girafes ou de mammouths, des arbres généalogiques de la vie, un ours blanc, des toiles dont je ne peux pas lire le nom, des fossiles délicats ou imposants, une merveilleuse jardinière pour jardin d’hiver et un aquarium de cristal, un Turner, beaucoup de charme, dans l’ensemble, qui finit sur un lugubre Munch, (L’Hérédité) et un ennuyeux triptyque de Mondrian figuratif et raide, bleu et rougeâtre, comme si le XXe siècle ne s’aimait décidément pas, après des champs de fleurs indistinctes et jaune doré des impressionnistes. Il y a même L’Origine du Monde (Courbet), dans un tournant, dans un petit coin, comme pour s’excuser d’être là, ne pas avoir l’air racoleur.

Dehors, on retrouvait un petit bout du XXIe siècle, les terrasses Post-Covid fleurissaient le long des trottoirs. On est toujours sur une charnière qui tourne.

Jardinière pour jardin d’hiver
HP

Notes

[1Je ne comprends pas l’enthousiasme déployé dans l’émission de Finkielkraut, Répliques, que je viens seulement d’écouter aujourd’hui, et qui dit exactement tout le contraire de ce que j’ai pensé et écrit ici hier.