Km 85
La vie ressemble à une course cycliste. Sauf qu’on ne connaît pas le trajet avant le départ.
Pour le reste, c’est tout pareil, on avance dans des paysages changeants, tantôt c’est plat, tantôt c’est long, tantôt ça monte et tantôt ça descend, on attrape du ravitaillement, un spectateur vous fait tomber, les pavés occasionnels vous secouent, on se relève, le vent vous pousse ou on l’a dans le nez. Vers la fin, c’est un peu comme si on montait un col, les tournants se font courts et essoufflés, on ne monte plus vraiment en danseuse comme dans les cols précédents ( les 30 ans, les 50 ans), la route s’élève, on voit derrière soi le paysage qu’on a parcouru, il est splendide, plus compréhensible que lorsqu’on était dedans. On voit aussi les erreurs de trajet, les choses et les gens qu’on aurait pu éviter et qui finissent dans le fossé des oublis, ou au contraire, ceux qui vous ont souri, aimé, aidé, donné de l’eau, prêté un bouquin essentiel. On ne voit plus très bien ses équipiers, ils se sont bizarrement renouvelés, certains ont disparu, certains ont pris une autre allure mais sont restés fidèles.
Pour achever de filer cette métaphore, je me rappelle que, deux ou trois nuits après la mort de ma grand-mère (la mère de mon père), je la voyais descendre de vélo et le poser sur un tas de cailloux le long de la route, et elle me disait : « Tiens, je te le donne ». On the road again.