Lumières d’été + 200 000 fantômes 2 films de Jean-Gabriel Périot
Lumières d’été, film de 2017 de J.-G. Périot, est précédé d’un court métrage de ce même auteur, 200 000 fantômes de 2007, qui a donc déjà dix ans.
Le court métrage - montage de photos fixes, N&B et couleurs, et de quelques miettes d’actualités - est comme brodé sur le poème de Current 93, Larkspur et Lazarus, qui l’accompagne à la bande-son, il est magnifique et parfait. We know it’s time.
Oui, nous savons qu’il est temps, mais temps de quoi ? De tourner une page intournable ? Ou de traduire autrement, ce fameux It’s time, de dire qu’Hiroshima est le temps, est dans le temps, est dans tous les temps, métonymie de la douleur, de la perte, de la guerre stupidement faite - on pense aux actuels « tweets » de Trump -, de la mort ineptement infligée, héroïquement subie dans ses mille formes.
L’indicible de la situation créée par le bombardement du 6 août, métonymie géante du hasard de la vie et de la mort et de la guerre, y est entier.
Il faut voir et écouter ces 200 000 fantômes. Ce lien le permet.
D’où est venu alors à J-G Périot, après une telle perfection, le besoin d’y revenir par le biais d’une fiction qui dilue, dans notre cadre contemporain, les énigmes de son court-métrages ? Franchement, pour ma part, je l’ai trouvée assez artificielle (comme scénario et comme dialogues), pas toujours très bien jouée, cadrée très court et un peu écrasée dans l’Hiroshima d’aujourd’hui, sa vie quotidienne, ses coutumes tenaces et imbriquées, et ses environs ?
On peut y lire, par moments, comme un écho inversé du scénario d’Hiroshima mon amour : dans Lumières d’été, un réalisateur japonais installé en France depuis 20 ans, vient tourner un documentaire pour le 70e anniversaire et rencontre une Japonaise ; dans Hiroshima mon amour, c’était une production française qui venait tourner une fiction pour les 15 ans de l’évènement, et l’actrice principale rencontrait un Japonais : occasion, dans les deux cas, de remuer le passé pesant qui plombe le présent. Dans les deux cas, la mémoire - et l’oubli possible ou non - est donc le maître du jeu et l’enjeu du film.
Si le film de Duras et Resnais est toujours percutant, Lumières d’été souffre, à mon avis, d’une curieuse mièvrerie dans le traitement d’un tel sujet.
J’en reviens donc à 200 000 fantômes : en dix minutes, ce court-métrage mêle les temps d’avant, de pendant et d’après le 6 août, kaléidoscope sur le dôme-symbole qui s’incruste sur lui-même, dans la musique de Current qu’on retrouve pour mémoire dans Lumières d’été, incarnée, si je puis dire, par le personnage de Mishiko Takeda, venue rôder dans sa ville.