Cris et chuchotements

« Réalisations » en chaîne

Les crime tragiques s’ajoutent les uns aux autres, crimes de masse, - le 14 juillet à Nice, le 13 novembre à Paris et Saint-Denis - et crimes très ciblés - Charlie, la policière de Montrouge, l’Hypercacher, le couple de policiers de Magnanville, le curé de St. Etienne-de-Rouvray - pour m’en tenir au territoire français sur un peu plus d’un an. Ailleurs c’est pareil (cf l’Allemagne) ou encore bien pire (Moyen-Orient).
Aucun attentat ne ressemble tout à fait aux autres, les assaillants jusqu’à présent sont des hommes jeunes ou très jeunes, qui ont parfois, en plus de leurs armes bien réelles, une panoplie annexe de jouets (grenades en papier d’argent, fusil en plastique, comme si on s’amusait, comme si on faisait un peu de mise en scène avec accessoires laissés ad libitum), cris religieux transformés en cris de haine et de mort.
Cadavres alignés, identifiés, blessés à vie ou plus légers, toute la peine du monde fait des remous, des cercles concentriques.

Scénarios et réalisations en chaîne, avec leurs variantes, toutes tragiques, toutes mortifères. Suivis par la revendication de Daech, sorte de légitimation au nom d’un Texte détourné (le Coran), ces crimes sont alors qualifiés de terroristes.

Ces crimes terroristes provoquent, dans les journaux, les télévisions, ou dans les espèces de mini-gueuloirs rampants et connectés que sont les "réseaux sociaux", ce que Michel Foucault appelait « le moutonnement infini » des commentaires : il parlait de ceux qui se font autour d’un Texte.
Il me semble que derrière les commentaires sur « les morts, les pauvres morts », tués et revendiqués par Daech au nom d’un Texte dont les crimes seraient soi-disant des applications, un autre Texte apparaît, sur lequel journalistes, politiques, nous, vous, moi, brodons à notre tour.

Les droits de l’homme

Très vite, le gouvernement a utilisé le terme "guerre" pour définir l’état d’insécurité où nous avaient plongés les attentats de janvier. Je ne crois pas que le terme soit le bon, mais c’est un autre sujet. En novembre 2015 (et non dès Charlie, janvier 2015), Hollande a proclamé l’état d’urgence, disposition qui ouvre des brèches sérieuses mais temporaires dans le droit des personnes, dans les libertés des individus, et les rapports Justice/Police. À mes yeux, l’état d’urgence actuel reste dans des limites relativement respectueuses du droit et préserve l’état de droit en France. Je trouve plutôt bien le travail et les propos de Cazeneuve. On a trouvé - et le gouvernement actuel n’en est pas seul responsable - que le monde de la police, de la justice et des renseignememts, avaient quelques failles, il était trop cloisonné, ils ont besoin de fric et de réformes pour gagner en efficacité, en capacité d’apaisement dans une société dont tant d’éléments sont déboussolés.

En revanche, l’opposition me fait carrément peur. Car ce qu’elle propose n’est ni civil, ni apaisant. Il n’y a qu’à lire ou entendre les réactions de la droite et de l’extrême droite française au complet : Fillion, Wauquier, Sarkozy ( entretien effrayant dans Le Monde daté du 28 juillet et les polémiques qui s’ensuivent ), Estrosi, Ciotti, Karouchi etc., je ne parle même pas des Le Pen et consorts. Chacun crie tout fort ou distille son rêve, sa xénophobie, proclame la supériorité de sa recette, ses promesses d’expulsions, ses camps, ses petits Guantanamo, ses listes, (même Juppé, plus mesuré, a manié un temps ses ciseaux à broder) chacun découpe virtuellement, le plus souvent à la hache, dans l’état de droit.
On ne fera jamais assez attention, il y a des modèles pas loin, Poutine, Erdogan, Assad etc.

Électoralistes à tout va, de la droite à l’extrême-droite ce n’est qu’un cri assourdissant : « élisez-moi et vous vivrez heureux, mieux que sous les actuels qui sont incapables de vous défendre etc. », et, ce faisant, ces beaux messieurs nous prennent vraiment pour des billes. Qui est assez bête pour croire qu’on puisse assurer une sécurité Zéro Risque dans un monde qui est de toute façon celui de l’évènement, dans le contexte présent de violence et d’avidité généralisées ?

Sous le moutonnement infini des commentaires sur le terrorisme, ce sont bien les droits de l’homme, notre Texte, qui apparaît en creux, menacé.

Droits de l’homme et du citoyen
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