Espaces baltes, 2015 Pourquoi ?

Les pays baltes, pour moi, c’est d’abord un nom, Memel - le nom allemand du port actuel de Klaipeda en Lituanie - , et une indignation : j’avais 6 ans, c’était le 22 mars 1939, et on a entendu à la radio qu’Hitler venait d’envahir la Lituanie et de « prendre Memel ». J’ai été horrifiée, quoi, « prendre », voler, détruire, tuer ?

J’ai écrit Pauvre Memel, en belle écriture soignée avec le P et le M majuscules, sur un petit carnet à carreaux où ma tante me faisait écrire des résumés de leçons.
C’est alors que j’ai vu Maman épatée par ce qui était arrivé à mes oreilles comme un vol manifeste, mieux, elle était admirative, Bravo, au moins celui-là, il sait ce qu’il veut !
Et moi, j’ai été choquée, scandalisée que Maman approuve que ce Hitler, dont on entendait souvent le nom aux « nouvelles » - comme on disait - puisse « prendre » une ville, voler une ville en somme. On en avait en général vaguement peur. Qu’est-ce qui a pris à Maman ce jour-là ? Je ne lui en ai jamais parlé, quand nous étions adultes. Mais je devais porter des excuses de sa part à la ville.

C’était la première fois que j’étais en désaccord avec Maman, un désaccord moral et politique, énorme, et aussi la première fois de ma vie que j’avais une opinion sur un évènement qui sortait de la TSF. Une sorte de tournant, de faille.
Je ne suis pas partie avec mes petites bottines de ski à bout carré - il faisait encore très froid dan ce mois de mars 1939 - , casser la tête d’Hitler, comme je l’ai dit à haute voix. Je n’avais quand même que six ans. Ma révolte s’est arrêtée là. Mais j’avais compris que les grandes personnes peuvent avoir tort, se tromper gravement et je l’ai vérifié tout à fait en juin 1940, où elles étaient en effet complètement déboussolées au moment de l’exode : avec Memel, pour moi, le monde a perdu sa sûreté.

Ainsi Memel attendait dans ma mémoire, comme un insecte pris dans l’ambre balte, que j’aille lui rendre visite et lui dire mon indignation, ma sympathie et ce qu’elle représentait pour moi. Il était temps ! Je ne savais même pas qu’elle s’appelait maintenant Klaipeda, et j’ai cherché un circuit de voyagiste qui passe par ce port : seule, la Maison des Orientalistes fait le détour par l’ancien Memelland et l’isthme de Courlande qui en est tout proche, landes et sable, forêt et mer, et au loin, les miradors russes de l’enclave de Kaliningrad.
Va pour le voyage, ce mois de juillet 2015.

Cap sur Vilnius et Memel-Klaipeda, et les deux autres pays baltes, via Varsovie.

Et comme il s’agit d’un voyage, la suite se trouvera dans la rubrique Espaces.