Henry VI Sceaux, Les Gémeauxs, Mise en scène de Thomas Jolly

Lire les journaux, ou voir les infos, en ce moment, avec les querelles à l’intérieur des partis, pour faire savoir, à mots couverts gros comme des maisons, qui se présentera à des primaires et à des présidentielles dans trois ans, est plus ennuyeux que la pluie fine et froide de décembre. Noyés et perdus dans leurs foutus éléments de langage, ils disent tous, de manière grise, qu’ils sont des arrivistes envieux et cupides sans aucune notion du bien commun.

Les batailles pour le pouvoir, si on veut les comprendre dans toute leur horreur, il faut les voir au théâtre, écrites par Shakespeare à partir de la trame de l’Histoire et mises en scène par Thomas Jolly. Tout cela est transportant. On sort du théâtre après huit heures de spectacle (et quelques pauses) complètement envoûté, on est, non pas ailleurs, mais dans nitre monde qu’on voit violemment éclairé par la représentation. La concentration dans le temps et l’espace en montre tout le malheur, tout le sang, toute la brutalité : les reines sont en armes, les rois assassinés, les grands seigneurs en remontrent largement aux jihadistes en matière de têtes coupées et plantées sur des piques à l’entrée des ville, tout cela est au Théâtre des Gémeaux à Sceaux cette semaine.

La Piccola Familia est une troupe qui m’a déjà éblouie l’année dernière, dans la première partie de cette pièce fleuve qu’est Henry VI, elle est toujours infatigable dans l’inventivité, avec une énergie inépuisable, admirable dans la diction, dans le jeu, dans le suspense et l’épouvante : je pense notamment à la scène où le dernier fils de Richard d’York tente d’échapper aux cruels représentants des Lancastre qui ont envahi le château paternel. Je pense à la beauté des messagères virevoltant sur les patins avec les messages menaçants ou désespérés, distribués avec une précision merveilleuse, qui transforment le théâtre en y rendant sensible la notion même de célérité et la distance de la France et de l’Angleterre ou d’un château à l’autre.Tout est saisissant. Alternance du drôle et du terrifiant. Le roi Henry VI (Thomas Germaine), jouet malheureux de toutes ces intrigues sanaglantes, le duc Richard d’York (dont la mort est inoubliable) , Édouard IV ’le débauché" (Damien Gabriac) et le futur Richard III cruel, accablé et accablant (Thomas Jolly). Il faudrait les citer tous, et revenir tous les jours.

Comment dire le plaisir que j’ai eu à écouter, comme l’an passé, la meneuse de jeu si spirituelle qui annonce les pauses, résume les actions passées, s’adressant aux spectateurs scotchés aux sièges pendant des heures. Extraordinaire, la traduction de Lise Cottignies, qui rend le mélange de la poésie et la violence métaphorique de Shakespeare, exmples pris dans la nature et les cieux, qui rappelle que le XVIe siècle s’ouvre à l’infini et résonne avec Calderon.

C’est juste un mot, enthousiaste. Je reviendrai sur tout cela dans quelques jours, car au travers de ce que j’ai vu ce trimestre, il se dessine une vision de notre monde contemporain sur laquelle j’arriverai peut-être à réfléchir un peu.