Le nucléaire. Un goût de revenez-y ? Un exercice mental

Ces temps-ci, je ne sors pas, les grèves me bloquent chez moi. Ces grèves de transports, je les déplore, ainsi que les attitudes et le vocabulaire buté (« on lâche rien ») des opposants à la réforme des retraites. Paris est transformé en un agglomérat de petits quartiers moroses, sauf à être en pleine forme et à faire de kilomètres à pied.

Privée de mes visites chez mes amis, privée de mes distractions extérieures, théâtre annulé, concert décommandé, je lis beaucoup (en ce moment Paradis du Nouveau Monde, Fayard, 2019, de Nathan Wachtel, passionnant, d’une grande beauté et d’une grande tristesse, sur les cataclysmes sociaux, sanitaires, économiques et religieux subis par les Indiens d’Amérique du Sud et consécutifs à la violente conquête espagnole et portugaise et à l’avidité des occupants, puis par les Indiens d’Amérique du Nord, avec les conquérants anglais qui deviendront après 1783 les anglo-américains, tout aussi avides).

De plus, j’ai un article à faire, comme au vieux temps de mon activité, sur un champ de mes recherches que j’aime bien, celui des films post-nucléaires. À moi l’Apocalypse.

Imaginaires nucléaires
CEA IRSEM

Car le 10 décembre a eu lieu à la BNF - et je n’ai pas pu m’y rendre (grèves...) - un colloque sur Imaginaires nucléaires. Je dois donner quelques réflexions là-dessus en vue d’une publication pour la fin de janvier. Je délaisse donc provisoirement la rubrique « Chroniques » pour celle intitulée « Recherche ». Mes amis peuvent donc aussi m’y retrouver en cliquant ici.

J’adapte donc mes capacités d’attention, je suis à nouveau focalisée autour du nucléaire, afin de mesurer l’évolution. Délaissant gilets jaunes, Martinez, Sud Rail, qui essaient de me faire croire qu’ils sont les messies courageux de notre temps et de la sagesse du peuple, je vais pouvoir sortir un peu du champ clos des défilés République-Nation.

Je regarde, ces deux jours-ci, Poutine qui annonce un missile à tête nucléaire hyper-rapide. Inimaginable. Foudroyant. On n’aura pas le temps de compter depuis le zéro du compte à rebours, que le missile sera déjà arrivé.

Kim Jong Un continue ses expériences dans le ciel et les mers asiatiques. Trump pavoise sur ses stocks vertigineux. L’Inde et le Pakistan. L’Iran. Israël. Et tout ce qu’on ne sait pas. Les vieilles bombes tombées par mégarde. Les sous-marins échoués en mer Blanche. Les séismes sous les centrales. Fukushima.

En même temps, je relis mes anciens articles, des araignées géantes aux dictatures post-nucléaires. Je mesure la courbe et les changements de la perspective survenus depuis quarante ans sur mon ancien corpus. C’est un exercice mental.

J’avais douze ans en 1945 lorsque j’ai appris qu’une bombe d’un type nouveau avait été lancée sur le Japon, cinq ans plus tard, - j’avais 17 ans - , j’ai vécu les grandes peurs créées par Mac Arthur qui menaçait d’employer à nouveau l’arme atomique sur la Corée - on y croyait vraiment -, Bombe H, bombe A, Bikini, essais sur essais, crise des missiles de Cuba, Guerre des étoiles, tout un arsenal s’est déployé, avec un paquet de crises qui avortaient en faisant beaucoup de dégâts. Guerre froide et espions. Quel étrange compagnon de route j’ai eu, et combien fidèle.

Pourquoi, entre 1980 et 1986, me suis-je mise à écrire sur ce thème ? En fait je ne sais pas, phénomène d’infiltration, sans doute. À force de baigner dedans. L’humanité a toujours un goût pour les cataclysmes et les fins des temps. En ce moment, c’est le changement climatique qui fait le grand méchant loup ( sans doute avec raison) et Greta Thunberg est son prophète.

Mais le nucléaire est là depuis 1945. Il ne nous quittera plus. Hypersonique. Ou classique. Prêt à l’emploi.