Un feuilleton formidable Sept ans de destruction

Un feuilleton formidable

Sept ans de destruction, comme on avait autrefois Sept ans de réflexion.

Ici pas de Marilyn : bombardements, tortures, écrabouillement d’hôpitaux, barils de pétrole, gaz, casser des maisons et des gens, voilà bientôt sept ans que la presse sous toutes ses formes nous sert VINGT FOIS PAR JOUR les épisodes de la grande production à laquelle on a même trouvé un sous-titre gore, Le Boucher de Damas.

Brièvement, si vous avez oublié le début : le producteur-auteur-acteur est un ophtalmo nommé Bachar el Assad, fils d’un tyran patenté qu’il va dépasser en notoriété. Il réduit son pays et ses habitants en bouillie parce qu’il y a sept ans, ils ont osé dire qu’il faudrait des réformes, c’était « le printemps arabe » ; depuis lors Bachar a de quoi manger des salades d’yeux sanguinolents chaque matin en se levant, ou en petit coup-faim (pour son « dix-heures », son « quatre-heures », comme on disait de mon temps) ; il organise aussi de solides banquets avec ses alliés, les sinistres petits camarades, les gouvernants de la Russie et de l’Iran. Vous voyez qui je veux dire, le gars au visage en caoutchouc lisse, et les gars au turban. Et d’autres.

Les chefs d’état non invités au banquet protestent de loin en loin, s’indignent, fixent des lignes rouges, toutes dépassées depuis longtemps et illisibles, car noyées dans le sang de toutes façons, donc pas moyen de voir autre chose que du rouge dans les lignes. Patauger. Peur. Prudence. Floc, floc.

Ici, en France, on accueille les Syriens réfugiés en personnages de feuilleton (Plus belle la vie, le Syrien vient d’épouser la charmante Barbara), en sujets d’émissions documentaires, ou thèmes d’éditoriaux navrés, comme moi ici. En chair et en os, en vraies personnes, cela semble causer plus de problème ?? Ou je rêve ?

Je suis morte de honte et de silence. Je m’étais dit que ce n’était pas la peine de le dire, puisque je n’y peux rien. Mais je ne peux pas toujours parler de crimes qui se passent au cinéma, au théâtre et à l’opéra, alors que cela se passe tous les jours, EN VRAI, DEPUIS 7 ANS et que j’y assiste sans billet.

« Wir haben nicht gewusst », c’est ce que certains se disaient en 1945, mais ça, pour la Syrie, on ne pourra pas le dire. Ich weiss. Wir weissen, Sie weissen etc. Jusqu’à en vomir.

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