L’Embarquement pour Cythère 62
62. Le Retour du Roi
La collection du Miroir d’Argenteuil, journal édité par Lili et Yves Portier, va partir chez Me Plock, solennellement, en recommandé et accusé de réception. Ah ah, du solide, du sérieux, des dates. L’exil du roi ou La Double Imposture, récit, suite et fin : le roi est dans sa chambre, ornée de grands tableaux des collections royales. À droite, La Reddition de Breda lui rappelle que le monde lui est soumis, c’est lui à qui cet échevin courbé remet les clés, à gauche, le portrait en pied de la Reine son épouse, qu’il n’a jamais vue, et auprès de laquelle le courtisan qui tient habituellement son rôle se dépense activement pour donner un héritier à la couronne. En face, une glace immense et dorée dans laquelle il se regarde, idiot, muet, depuis des mois, des années.
— Pour la Reine, Sire dit le médecin en lui tendant un verre laiteux. Oui, oui, de l’orgeat, on n’a pas tant de boisson à sa disposition.
Il envoie promener le verre, il crie qu’il en a marre de cette ville plate, de ce palais fermé, de cette femme peinte et si jolie, courtisans et pages, anxieux, le cernent en faisant des signes discrets, mais ils ne savent pas que, dans l’île, pendant son exil, il avait acquis de très grands pouvoirs, TUEZ-MOI TOUT CELA, pense-t-il, et les corps s’effondrent sur le sol, sous les débris des toiles peintes dans le fracas des lances tombées et de l’assourdissant tintamarre d’un miroir qui se brise.
Une étude, ou un nocturne, celui que vous voulez, la marche à la fois précise et hasardeuse toujours renouvelée et offerte, ouverte entre les notes de chaque main, dans le rapport équilibré, mélancolique et sans vertige de ces espaces muets où je ne permets qu’à moi de circuler dans un plaisir silencieux. Ah, comme je t’y aurais entraînée, si tu avais simplement manifesté un seul signe d’intelligence à ce que je t’ai toujours dit, au lieu de toujours faire semblant de ne pas entendre, au point que tu en as l’air, finalement, si bête.
Post-scriptum
(À suivre)