La Chine au ras des yeux. 8 Le Yunnan, 2003
Hong Kong, Kunming, Fleuve rouge, Yuanyang, Dali, Lijiang, Zhongdian (Cham)
De Hong Kong à Kunming, dimanche 7 septembre 2003
Le vol comportait un changement à Hong Kong, avec un délai d’attente suffisant pour que nous prenions le temps de courir en navette depuis le nouvel aéroport jusqu’à Hong Kong. On prend le ferry, la baie s’ouvre comme au cinéma, on descend à Kowloon et circule un peu dans la ville où c’est dimanche, on prend des photos du front de mer que, après Shanghai, je trouve presque petit, restreint. Le ciel est noir. Les femmes philippines, employées de maison souvent esclaves, sont toutes sur les trottoirs, où elles font la causette, assises sur des couvertures ou de simples grands morceaux de carton, elles sont là chez elles, faute d’avoir un chez elles où se reposer pour leur jour de congé, leurs patrons les exploitent tellement qu’elles n’ont pas d’espace à elles, elles dorment dans les cuisines, et donc, le dimanche, quand par hasard elles ont un peu de liberté, ekkes douvent sortir, elles vont dans la rue, les meilleures places sont sous les auvents, car il pleut souvent à Hong Kong, mais là, au moins, elles se retrouvent, elles rient, tricotent, font la cuisine sur des petits réchauds, c’est invraisemblable, la condition des bonnes à Hong Kong, il faut le voir pour le croire !
Je manque de me perdre dans l’aéroport après avoir enregistré mon bagage, car en cherchant le point d’embarquement, tout d’un coup, je ne vois plus personne du groupe, le nouvel aéroport d’HK, c’est pas de la tarte pour s’y retrouver, le chinois alterne dans les hauts parleurs avec de l’anglais, ce n’est pas moi qui ai mon billet, comment repérer le numéro du vol pour Kunming, mais, finalement, au détour d’un couloir j’aperçois je ne sais plus quelle personne du groupe, qui m’a attendue, voyant que je ne suivais pas le mouvement.
Entre Hong Kong et Kunming, c’est encore le matin, la visite à Hong Kong a été vraiment éclair. Nous volons sur Dragon Air, avec des hôtesses souriantes, le groupe semble hétérogène à souhait, la grande femme aux cheveux jaunes, le type en short, les deux couples, un mec sportif et intello, je pense, Évelyne, ses yeux vifs et son intérêt passionné qui ne se démentira pas.
Kunming, lundi 8 septembre 2003
Retrouvailles avec Kunming : la ville est bien plus grande, bien plus neuve, mais les platanes français, héritage du temps où la ville qui s’appelait Yunnan Fu était le terminus de la voie ferrée venue d’Hanoi, les platanes, sortes de marques de la ville, donc, subsistent le long d’un bon nombre de rues. Ils sont un peu mal foutus, les feuilles jaunies trop tôt, Kunming est une grosse ville industrielle où l’air n’est pas pur, euphémisme. Témoin le Lac Erhai, scindé en deux nappes d’un vert différent, le vert glauque épais dominant là où se jettent des déversoirs des usines.
Nous allons voir le Temple d’Or sur la colline. Temple taoïste, datant de 1602. Suprême harmonie. Je ne suis pas sûre de l’avoir vu en 1996. Je suis moins ignorante et moins ébahie par un carrousel de nouveautés, je me familiarise, je me sens davantage chez moi. On y flâne un peu. On met de l’encens.
Les marchés aux oiseaux et aux plantes sont tout à fait transformés (par rapport à 1996) en moins bien, plus léché, bien rangé, pour touristes et non plus pour eux-mêmes. Déjeuner à l’hôtel. Musée de Minorités, aux 400 diables, roulé à travers la ville et dans la banlieue future, grandes avenues désertes. Photos et costumes, assez ennuyeux et factices, quelques objets très beaux. Je l’avais trouvé très beau il y a quelques années. En fait, aujourd’hui, il est fermé, on a ouvert juste pour nous, et on sentait que les employés piqués dans ce désert avaient hâte d’être ailleurs dans la vraie vie. Kunming me déçoit yn peu cette cette année, j’en avais un souvenir plus chaleureux, plus humain, plus drôle.
Immédiatement après la visite au musée, nous quittons Kunming.
On roule vers la Forêt de Pierres. Partout, le long des champs, poussent de gros cannas rouge vif, et même des champs de cannas, car c’est ici la nourriture des cochons. Menu riche et coloré, splendide même.
On est logé dans le même hôtel qu’en 1996, dans une autre aile, il n’y a pas de moustiques comme la dernière fois.
Forêt de Pierres - Kaiyuan , mardi 9 septembre 2003
Encore une journée immense. D’abord, la promenade dans la Forêt de Pierres. Les abords du site ont été « paysagés » avec de grandes allées et des prairies, beaucoup plus « parc ». C’est vers l’entrée que ça redevient un peu Disney, avec des personnages costumés qui font des danses pseudo ethniques. Des ventes d’objets, de parapluies, Lourdes plutôt que Disney ?? La grande vue géologique se déplie sur les érosions si majestueuses et hérissées de ces paysages réduits en surface et développés à l’infini dans le relief. Un îlot de tourmente géologique, dans une région moins heurtée.
On reprend la route. Déjeuner sur un lac, où je manque de perdre mon appareil de photos entre deux planches du ponton où j’ai peur de l’eau en dessous, comme si j’étais sur la passerelle autrefois au-dessus de la Seille. Puis on visite une mosquée dans un village Hui, nous achetons des bonbons dans un petit magasin genre de la Coop de Voiteur pendant la guerre, en beaucoup plus petit, sol en terre battue, sans aucun souci de plaire à la clientèle, entassement dans des rayons sombres, avec une grande variété de choses, pour le quotidien. Beaux arbres dans la cour de la mosquée, mosquée des femmes, plus petite.
On voit la source de la Rivière des Perles : l’eau est rouge. Elle fera beaucoup de chemin avant de devenir grise et dorée à Canton.
Plus loin arrêt dans un village Miao, les gosses sont à l’école. Et les écoles, dans le coin, sont des fondations de grosses boîtes industrielles de Kunming et même Shanghai ou Canton, les enfants y sont éduqués, les finances viennent en déduction des grosses firmes, mécénat, et en retour, les mômes deviendront une grande réserve d’employés taillables et corvéables dans les firmes. Et encore, ce sera une chance pour eux, sinon, ils resteront à pousser un buffle vers la rivière, et à cultiver deux trois légumes à vendre à la petite ville, des kilomètres plus loin, où ils iront en charrette, il pleut souvent dans le Yunnan, la vie n’est pas drôle dans ce village très pauvre où l’eau est à la rivière, loin en bas. Des enfants n’ont pas de chaussures.
Maintenant, on roule vers Kaiyuan, ville en grande partie musulmane (les Hui) parsemée de mosquées à coupoles bleu-vert, rue principale remplie de magasins de CD et de portables, des bottes en caoutchouc, de quincaillerie. Dîner absolument délicieux dans un boui-boui de Kaiyuan, avec les meilleurs œufs de cent ans que j’aie jamais mangés. Auparavant, on avait traîné dans le marché avec Évelyne, les bouchers coupaient le jambon à même le trottoir, provoquant ainsi le mécontentement double d’une dame chinoise, contre le boucher et ses pratiques crades et contre Évelyne qui prenait la photo.
Kaiyuan – Fleuve Rouge - Yuanyang, mercredi 10 septembre 2003
On se lève très tôt, pour un départ du train à 7 heures 30 à la gare de Kaiyuan. La salle d’attente a des sièges en plastique, froid du décor, plus rien des salles de la Route de la Soie, chaudes, poussiéreuses, très antiques. Le train arrive, les gens se précipitent ; nous, en touristes privilégiés, sommes rangés en file à part et dirigés vers nos places réservées.
Les paysages sont tout de suite très rouges et verts. Le train se lance vaillamment à la conquête du plateau. La voie très longue va chercher des tournants dans le fin fond des vallées pour revenir ensuite, et repartir encore dans le fond, péniblement, tunnels, la ligne a été construite par les Français qui en ont vu d’autres en descendant vers Hanoi. Tante Raymonde et Oncle Gérard y sont venus en voyage de noces, en 1927 ou 28. Ils voyageaient à cheval.
Alternent des vallées profondes et des arbres très luxuriants. Arrivée sur le plateau. On descend à Cao Ba et on retrouve le car dans une rue. La ville est petite mais très animée dans la rue centrale, ailleurs de très petites maisons avec des jardins bien plantés de légumes.On va voir la gare de Bi Da Zhai bâtie dans un style complètement français, absolument la gare de voyageurs et la gare de marchandises de Domblans où, pendant la guerre, on donnait des spectacles pour les prisonniers, et où M. Férut, avec sa figure rouge, jouait un rôle de comte traître pendant que le fils Ravier, trahi, criait, « Malheur, les féaux du comte ont franchi mon pont-levis ».
Meng Zi est une ville claire sur le plateau, assez neuve, musulmane. Des femmes entièrement voilées, le visage du front au menton bien enserré comme dans les miniatures du Duc de Berry ou les Hospitalières de Beaune, travaillent dans une immense cuisine, avec des foyers partout et des flammes qui s’élèvent. Les serveuses de la salle sont chinoises non musulmanes, en tout cas, non voilées, habillées comme tout un chacun.
Puis nous reprenons le car pour prendre la nouvelle route qui descend sur le Fleuve Rouge, dans une forêt d’une beauté incroyable, avec des arbres gigantesques, forêt tropicale de montagne, toutes les essences trempées et majestueuses, et la route excellente, bien noire, (on reprendra pour quitter la vallée l’autre route, la vieille, très défoncée, très sinueuse, pittoresque aussi, cf plus loin). Au bord du Fleuve Rouge qui est vraiment Rouge, comme toujours, je sens cette sorte d’exaltation géographique qui me prend quand je coïncide avec un nom et un lieu de légende les tilt de la stupéfaction.
Cette journée est peut-être l’une des plus belles du voyage. D’autant que nous approchcons des immenses rizières de montagnes.
La route remonte de l’autre côté, vers le Sud, le versant regarde donc le Nord, il est bien vert et riche d’arbres, mais rien à voir avec la luxuriance absolue du versant adret que nous venons de quitter. La route est très raide, assez mauvaise, assez dangereuse, les camions surchargés doublent dans tous les endroits, sans visibilité, le Fleuve Rouge paraît de plus en plus petit, enfoncé au loin, très loin, le tout pour arriver à Yuanyang, ville détrempée et boueuse, tout en pente, les maisons accrochées comme des vertiges les unes au-dessus des autres, méli-mélo de gens, de toutes les minorités, dont ceux qui ne veulent pas parler aux autres (les Hani).
Après avoir jeté les valises dans un hôtel, genre douteux des petites villes du Sud, on part tout de suite se promener en car, on passe un col dans les arbres et dans les nuages, j’essaie de prendre une rizière en photo, bien blonde, sous un accrochage de nuages,
un pâle rayon dans une éclaircie, mais tout est gorgé d’eau, tout est détrempé, petits palmiers, bananiers, grands arbres. Les paysages de rizières de montagnes, formées par les Hani, sont splendides.
Dans le film Nuoma, de Zhang Jian Hui (2003), dont je n’arrive absolument pas à retrouver la moindre trace, on voit l’immense supériorité des caméras sur les appareils photos, car les rizières y sont véritablement sublimes, et même presque plus sublimes que dans la réalité, et de plus, le film permet d’entrer dans les maisons des Hani, de les voir, de voir leurs lits, leur vaisselle, leurs foutus escaliers pour desservir leurs mezzanines, comme si les escaliers du dehors ne leur suffisaient pas, on comprend qu’ils fassent des rêves sur les ascenseurs.
On visite un village Hani, (Aneng Kong) minuscule et désert, quelques maisons de pierre avec chaume, en pente sur une petite vallée, très misérables, un buffle à la porte de l’une d’entre elles, nous sommes comme des sauvages disparates en troupe colorée dans les minuscules ruelles boueuses où s’enfuient bêtement quelques volailles. Il n’y a pas un être humain, les gens sont sans doute cachés, hostiles peut-être plus avec nous qu’avec d’autres, mais les Hani le sont toujours, dit-on et avec tous. C. a sa cape jaune Mickey par-dessus son short, immense, dans ce chemin terreux. Mais quoi de plus ridicule que S., dans son grand short rouge, complètement incongru dans ce village préhistorique, criant dans son téléphone portable « Je t’appelle de Chine ».
J’en ai fait autant, mais dans ma chambre, le soir, en appelant Jacques, le fait est que c’est étrange, d’être si loin, dans cette ville crasseuse et humide, boueuse, de s’entendre dire « Je suis en Chine » et d’entendre si près Jacques parler dans sa maison du Var, les oliviers, le chat, les tomettes.
Mon réveil n’a plus de pile, j’en achète un dans la « galerie commerciale » dans un petit bazar, il a des ailes de papillon et fait le bruit d’une horloge comtoise. Dîner dans un restau très recommandé par le Guide du routard, au-dessus de la galerie commerciale, lumière jaune et sol dégueulasse, gluant, dérapant, de vieilles épluchures, des grains de tournesol et de débris d’assiettes (les gens mangent souvent en jetant leur détritus par terre), le soir, je me couche avec une certaine appréhension des cafards (mais je n’en verrai qu’un, énorme, le matin de mon départ). Pas de cartes postales, on trouve des photos à acheter dans une petite boutique, et j’écris 15 cartes de ce fond du monde haut perché et dégoulinant.
Yuanyang et environs, jeudi 11 septembre 2003
Nous allons à Sheng Cun, un joli village avec un grand marché très animé, plusieurs rues en étoiles avec des spécialités diverses, coin des bouchers, coins des plats cuisinés, des vêtements, des graines, etc. On visite les immenses montagnes de rizières, célèbres dans le monde entier, des cochons innombrables, des cochonnets noirs. C’est exactement la région de Nuoma, et ce film, devenu introuvable, montrait combien ces gens rêvent de la ville (la grande capitale, c’est évidemment Kunming) et d’ascenseurs, de rues propres, sans escaliers exténuants. Toutes ces pentes si pittoresques sont proprement horribles à vivre avec des chargements énormes, loin de tout, marche en équilibre sur les petits murs de soutènement étroits des rizières. Serpents qui se faufilent dans l’eau dormante. Plus de pellicule à force de prendre des photos qui ne donneront pas la moindre idée de la splendeur des paysages, de la taille des immenses paysages et des minuscules perspectives à l’intérieur des villages.
Le soir, c’est le dîner de la Fête de la Lune, les gens se saoulent dans le restau crasseux. Cette ville est proprement sinistre à vivre. Quel avenir pour en sortir ? Faut-il en sortir ? Quand je rentrerai, Anne trouvera que je me pose des questions étranges, elle pense que ces gens sont de là-bas, ils doivent y rester, moi, je maintiens qu’ils ont envie d’en sortir et d’ailleurs, le film Nuoma, qui devait être en plein tournage peu de jours après notre passage, me donne raison, leur rêve est vraiment d’avoir un ascenseur. Ils ne sont pas heureux, trop misérables, et la vie, trop dure matériellement. Les quelques infiltrations du monde autre (par la télé, la radio, les cars de touristes) sont des moyens de comparaison.
Yuanyang – Fleuve Rouge - Jiangshui, vendredi 12 septembre 2003
Marché à Yuanyang, avec le marché couvert, les jolies lianes tressées qui servent à présenter les oeufs, les habituels légumes très variés et très jolis, les viandes peu ragoûtantes, et le meurtre du chien, un gentil chien léchait les mains de son maître qui a pris un gourdin et l’a abattu de quelques coups sur la tête, au début le chien a hurlé, puis plus rien, le bonhomme l’a achevé et ils se sont mis à le dépouiller à une vitesse folle, nous étions tous révulsés, malades. Dans une cuvette, le chien, ébouillanté, la chair rosâtre, les pieds en l’air. On en a un peu parlé, puis plus rien, on a étouffé, seule la femme d’Henri a été le titiller méchamment dessus un ou deux jours plus tard. Bref, nous sommes très refroidis. Il est bon d’être ainsi rappelé brutalement au fait qu’on vient vraiment d’un autre monde, et que nous sommes dans un autre monde, celui de la profonde pauvreté des campagnes chinoises.
On a repris le car, redescente sur le Fleuve Rouge toujours les mêmes camions bondissants et dangereux dans les forêts magnifiques des tropiques en altitude.
Photos du confluent des deux fleuves, le Fleuve Rouge venait de l’Ouest, le blanc venait du Nord, ils restent un moment individualisés, puis le rouge l’emporte, et court vers l’Est, vers le Vietnam.
Le car s’est ensuite élancé sur la route qui longe l’affluent blanc et qui monte, monte, monte en lacets raides, bordés d’arbres, de buissons et de fleurs sauvages, par des trouées, on aperçoit des villages au loin, dans les brumes épaisses comme inaccessibles et le fait est que ce ne doit pas être facile de vivre dans ces villages et de gagner la route, en descendant dans les petites vallées adjacentes. On voit en zoomant, la place du village sous un arbre immense.
Terre rouge comme il n’est pas permis d’être rouge, je la mets dans un petit sac, j’ai les mains rouges, et j’aurai de la poussière rouge dans mon sac des mois durant. Vrai ocre rouge.
Une fois sur le plateau, voici les cultures, les rizières, les gens qui travaillent.
On arrive à Jiangshui, grande ville sur le plateau, avec un grand palmier céleri devant l’hôtel, pas désagréable, impression de luxe après Yuanyang alors que ce n’est pas un hôtel de luxe, juste grand et propre. Sans crainte de cafard, enfin, crainte normale comme dans tous les hôtels de pays chaud, ou même de luxe, il peut vous surgir un cafard au nez.
L’après-midi, on va à pied assez loin sur une rue jonchée de paille de riz dans un village superbe fondé par les Song du Sud (au XIIe/XIIIe) et qui s’était enrichi pr le trafic de céréales.
Les maisons sont de purs chefs d’oeuvre, sculptures de bois, proportions, petits balcons couverts, portes sculptées, sales, dégradées mais vivantes, petites rues aux gros pavés, réelles et touchantes comme il convient à de l’histoire incorporée dans le présent, petites mares jaunes et vertes.
Le soir, on marche à pied dans la ville de Jiangshui, dans le quartier musulman. Des papillons géants en massif de fleurs ornent le rond-point devant l’hôtel.
Jiangshui - Kunming, samedi 13 septembre 2003
Le matin, Temple de Confucius, vastes constructions dans un vaste parc trop bien léché, comme faux . Sur l’une des terrasses, des moines donnaient un petit spectacle, avec des instruments de musique. Très cérémonieux. Entrée solennelle les uns après les autres. En ordre. (Rien à voir avec le vrai temple de Confucius visité l’année 2004 à Qufu).
Dans les environs, des villages superbes, très massés, en altitude, le long de la route. Tout le long aussi, des formations géologiques genre Cappadoce, cheminées des fées, ravines, foisonnent.
Un déjeuner à Tonghai dans de petites salles à manger d’une usine à touristes, pas bon, inintéressant, puis un arrêt au village fondé par les Mongols, lors de leur première descente au XIIIe siècle.
Des tas de ruelles, des surfaces de riz en train de sécher sur des dalles, un calme, un quotidien, pas désagréable. Des peupliers en rang sur la crête, au-dessus. Je me sens très loin, autre lieu, autre temps, où se mêle le XIIIe et le XXIe. .
Sur la route, une grosse ville, Yuxi, avec des immeubles neufs et colorés, très colorés, au milieu des éléments plus anciens d’un béton gris jaune, le riz séchant aux poutres. L’usine de Beicheng, énorme et neuve, je crois.
Paysage boisé, pins, petits eucalyptus. Arrêt pipi à l’essence, puis retour à Kunming, c’est comme de se retrouver chez soi, c’est la troisième fois de ma vie que j’arrive à cette ville (j’y reviendrai encore une quatrième à la fin de ce voyage), un air de reconnaissance, la grande ville, et repos dans cet hôtel excellent. Où hélas, je perdrai une de mes boucles d’oreille rouges.
Kunming - Dali, dimanche 14 septembre 2003
A l’aurore, le lendemain, 5 heures moins le quart, réveil et valises, petit-déjeuner excellent, cet hôtel a l’un des meilleurs buffets que je connaisse, et puis, départ pour l’aéroport, avec Sylvain et son incessant babil, l’avion décolle pour Dali, on arrive en pays bai, accueillis par une jeune fille un peu mousue et guère loquace (en anglais) pour nous égrener des platitudes sur les Bai.
Marie-Noëlle avait donné des tas de renseignements, elle nous lit des contes et des légendes de création, on voit qu’on est en pays de minorités. Un autre monde de pensée. Pris mille photos, dans les villages bai splendides avec leurs belles maisons blanches. Une maison coloniale 1930 dans une cour très jolie. Puis nous avons mangé dans la rue des pâtés en croûte feuilletée au jambon, délicieux, avant un mauvais déjeuner dans une boîte à touristes.
En arrivant à Dali, je trouve la ville plate et blanche, aux rues larges et plaisantes. Marie-Noëlle n’aime pas Dali, elle trouve que c’est devenu surfait, moi, je trouve que c’est joli, et pas si surfait que ça, à côté de Pingyao, par exemple, c’est un paradis de préservation et de tranquillité. Les petits vieux jouent au mah-jong sur les tables de pierre du jardin public. On se fait accrocher, tous les deux pas, par des hommes qui fixent nos pieds avec un intérêt étrange. Nous nous demandons avec Évelyne si cette ville est remplie de fétichistes, au bout d’une demi-heure, on s’aperçoit que ce sont des cireurs de chaussures ! On visite un temple animiste syncrétique, assez curieux, avec toutes sortes de peintures très vives, des maïs accrochés. Une belle maison, dont le grenier est plein de bustes de Mao.
Et une église catholique, avec des statues venues direct Saint-Sulpice, mais dans une architecture extérieure plutôt chinoise.
Dans Dali, j’ai pris beaucoup de photos, admiré les cercueils si gais (rouge laqué), échangé quelques mots (2 chinois, 3 anglais) avec le menuisier.
Vers 5 heures du soir, tout le monde est crevé, on s’est levé très tôt, et c’est l’arrivée dans un hôtel luxueux, énorme, avec des décorations kitsch, des déesses géantes peintes dans le hall, des plantes partout, des lavabos violets et verts en marbre local. Bain en rentrant à l’hôtel, ampoule au pied carabinée. Marc est malade, je lui donne mes Fervex. On ressort ensuite pour aller faire un très bon dîner dans la « banlieue » de Dali. Les murailles sont illuminées. Là, c’est vrai que ça fait un peu toc.
Dali - Lijiang, lundi 15 septembre 2003
Le matin, promenade aux trois pagodes, que je trouve assez rasoires, j’apprendrai plus tard qu’elles sont plus vénérables que je ne les ai trouvées : les Chinois, à force de mêler le temps passé, présent, finissent par troubler l’esprit en ôtant les repères de « vénérabilité ». Il venait de pleuvoir, tout était brillant et bien lavé, dégagé. Marc est carrément malade, il a de la fièvre, je déploie mes talents d’infirmière, je le bourre de drogues, je tâte son front, il est ravi, il a l’impression d’avoir une mère de rechange, portative, pour le voyage.
Au marché de Shaping, je hais subitement tout ce qui existe, la saleté des ruelles entre les boutiques, dégoûtantes de boue. Les tas d’ordure si généreux. Les touristes traînent en humeur de photos de têtes intéressantes et typiques, pouah. On déjeune en route dans un routier très isolé, sympa, avec de la très bonne cuisine faite à vue par des jeunes filles charmantes, surplombant une vue superbe.
Lijiang le soir me paraît assez passé au « Jexfour ».
Ma chambre est agréable bien qu’elle n’a pas de fenêtre, ou plutôt que sa fenêtre donne sur une coursive étroite et obscure, l’hôtel est joli, « de charme » sans doute, et bientôt, les déambulations sur les pavés commencent, par petits groupes d’affinité. .
Lijiang et environs, mardi 16 septembre 2003
Je perds mon Olympus, au temple taoïste de Yufeng, les racistes du groupe, dont S. et la grande bringue avec leurs propos anti-arabes qui surgissent à toute occasion, me mettent hors de moi au point que j’ai dû perdre cet appareil sur la terrasse où ils étaient, en ne pensant subitement qu’à les fuir. Marre de les pourfendre, rien ne les arrête.
A Baisha, arrêt et visite dans ce village qui est peut-être charmant quand il n’y a pas comme en ce moment des travaux dans toutes les rues étroites, qui font de la ville une véritable course d’obstacles, sur des planches, des tas de boue, des tas de cailloux, de quoi perdre pied et patience. Je pense que si on revient un jour, il sera complètement léché et empierré façon Lijiang.
L’après midi, on monte à la Colline du Lion, et à la Pagode qui la surmonte, sous nos yeux, la forêt de toits anciens et gris de Lijiang d’une très grande beauté. On redescend, la ville est en train d’être « lavée » par le débordement organisé d’un des canaux, les petites mémés Naxi danseront ensuite sur la place fraîchement lavée, Évelyne et moi, nous allons flâner dans les rues, en cherchant, histoire de se dépayser, un des restau français. Que nous finirons par trouver.
Dîner de crêpes bretonnes, surprenant en Chine. Un personnage de romans tient ce restaurant, un rouleur de bosse, peut-être un peu trafiquant de drogues, et en le voyant il me revient le documentaire fascinant que j’avais vu sur Lijiang où on montrait ce trafic intense, les gens fusillés et les policiers brutaux et bornés. Lijiang change, a changé, c’est en train de devenir sur certains plans un musée pour touristes, mais de temps en temps, affleure autre chose et généralement par le biais d’une personne, d’un regard, d’une évocation si brève soit-elle, d’une autre vie. Dans le documentaire, on voyait un équilibre entre un quotidien vivable et une vie assez écrasée, jouée d’avance par la pauvreté. Lijiang vit peut-être ses dernières heures, en tant que ville, avant de se figer en musée, et, même, elle y est peut-être déjà coincée.
On marche dans les rues, nous avons beaucoup de temps libre très agréable, mais tout reste à la surface, rien à voir avec l’intimité surprise dans le documentaire, lui-même approche tronquée d’une réalité inconnaissable. Il faut travailler dans un pays pour le connaître. Je n’ai bien connu que le Mexique, et un peu Coblence. Le reste, tout l’immense reste du monde, c’est des petits bouts, des « impressions ». Trop superficielles et trop intimes à la fois pour être vraiment transcriptibles. Très intimes parfois, profondes, le direct perçant de l’immédiat, sans médiation, justement, un regard entre un cycliste et moi, l’espace d’un feu rouge, une couleur, un bout de champ, une pile de fruits, un regard encore, les regards avant tout, les yeux. Oui, mais alors pas de l’ordre du dire.
Lijiang, mercredi 17 septembre 2003
Nous continuons à visiter la charmante Lijiang. On va à pied au parc du Dragon (c’est au diable), Marie-Noëlle a toujours le souci de nous faire marcher, comme si elle avait une tâche de kiné à accomplir, pour que nous ne rouillions pas nos articulations, c’est agaçant. En même temps, c’est assez bien parce cela nous met dans la vie, dans la ville, dans les braillements des maisons de disques, les inégalités des trottoirs, mais parfois c’est inutilement crevant. Un musée Naxi et Mongla sans grand intérêt, pauvreté des actuels musées, comme ceux sur la Route de la soie, on sent pourtant qu’il y a des ordres pour récupérer les cultures en train de fondre comme du sucre. C’est un peu comme si on faisait en vitesse une piqûre de botox à ladite culture, elle fige.
Après le déjeuner, la visite de la Maison Mu, très belle et très grande, assez filmique, les lits à rideaux, ses portes rondes. Repos l’après midi, temps libre dont on est tout à coup pourvu, c’est comme pour éviter l’ankylose. Envie d’aller lire dans le jardin de la maison Mu, et finalement non, j’aurais l’impression d’être en vitrine, j’ai donc été voir les petites mémés naxis avec leur casquette bleue qui dansaient sur la place, leurs visages ridés, à la fois gentils et malicieux, m’ont fait penser à Louise Belot, à Blandans pendant la Guerre, mais la campagne française a cessé de danser depuis longtemps.
Les Chinois crient pour rien, font un terrible bruit dès qu’ils le peuvent, c’est-à-dire dès qu’ils sont deux. J’ai mal aux pieds à force d’être debout, de marcher, de piétiner. Un voyage qui me plait par bien des côtés, les paysages, les têtes et les expressions, et par d’autres côtés, il m’insupporte, comme certaines attitudes du groupe en bloc ou dans le groupe entre eux. Le rythme qui consiste à remplir absolument avec des choses totalement inintéressantes, et pourtant, intéressantes, après tout, c’est la Chine, des paysages et des villages ou des places. Et encore n’y a-t-il pas trop dans ce voyage de stations pour acheter malgré tout et flatter le véritable TOC d’I. qui transforme son malheureux mari en portefaix et en titulaire de carte bleue. Un roman à la Perec serait à faire parmi les personnages du groupe. Les caractériels, les ordinaires, et tous ont en commun avec moi d’avoir cette envie des voyages. Assez cinglés aussi, le vaste monde à parcourir en commentant la cuisine, en se racontant, en se mettant en scène constamment. Comme si, du fait d’avoir fait des voyages, on était sûr d’exister.
J’aurais voulu trouver une casquette à bouillonnés pour Jacques, mais je n’ai plus aucun courage pour me traîner sur les pavés, j’en ai plein les pieds, au sens littéral, dans ce mercredi qui finit, dans la douceur de ce lieu et devant la fin prochaine de ce dépaysement, de cet égarement réel qui me fait égarer bien des choses, bien des choses de prix (boucles d’oreille, appareil photo jusqu’au Guide du routard qui a l’air d’avoir disparu à moins qu’il ne soit resté dans le car, (oui, il y était resté) projet de roman, projet d’hiver, projet de spectacle, je pense à Paris. La fille sur le balcon rouge doit être une Européenne selon la couleur de sa jolie chevelure. Reprendre mon roman, finir l’histoire de Lili et Yves, ré-écrire Cuba. J’ai les yeux pochés de fatigue.
De Lijiang à Zhongdian, jeudi 18 septembre 2003
Réveil 6 heures et demie, départ 8 heures. On part dans le petit jour, en traînant les valises sur les pavés de Lijiang, le mont qui ne se dévoile jamais s’est dévoilé. Et ce sera une journée de voyage essentiellement, dans des routes effrayantes, je suppose ? La route vers ce qu’ils disent être Shangrila.
Au début, des paysages comme on en trouve en France, champs, arbres, puis après le col, la route descend vers le Fleuve bleu, qui n’est pas bleu, mais doré. La Boucle historique du Yangtsé où l’Armée rouge a traversé pendant la Longue Marche :
l’événement est fixé dans un groupe de bronze réaliste communiste, dans le patelin, Shigu, où les paysans ont prêté des barques à l’Armée rouge, et où un paysan de bronze courbé en deux par la reconnaissance prend les mains d’un soldat de l’Armée rouge qui le délivre.
A l’entrée des gorges, un hideux village, triste à mourir, comme tous les paysages de gorges, des femmes Yi avec leur costume et leurs coiffes extravagantes, elles ont l’air d’immenses sauterelles, elles ne veulent pas qu’on les regarde ni à plus forte raison qu’on les photographie, l’une d’elles agresse cette idiote de C. qui a voulu la photographier, elle oblige Marie-Noëlle à ramasser ses affaires, la scène est étrange et assez pénible, car il y a de la haine qui passe.
Le marché, avec un jeune chien Yi grognon, des boucheries assez dégoûtantes comme toujours, des vêtements pauvres, ces gens sont pauvres, dans une région laide et magnifique à la fois, dure.
Aux Gorges du Saut du Tigre, le Yangtsé bouillonne dans un bruit et un tourbillon écumeux épouvantable, évidemment je ne suis pas descendue mais d’en haut, le spectacle est effrayant, par contre les mandarines vertes (mais mûres) sont succulentes.
Le Yangtse se calme et redevient doré ensuite en coulant entre les montagnes couvertes de forêts.
Puis montée vers Zhongdian, cœur du pays de Cham, sur une route en travaux d’abord très mauvaise, des tonnes de boue, de trous et de cailloux. Puis jolie route de forêt assez tortillante.
Arrivée sur un plateau (3 300 m) paysage entre la Norvège, la Suisse et les combes du Jura. J’ai un peu l’impression d’arriver à Champagnole par Andelot, même genre de pâturages bordés des sapins. L’hôtel de Zhongdian est très agréable, confortable, on a un avant-goût de l’hiver, il fait frisquet et l’hôtel est chauffé.
Et ma vieille veste de laine marron aussi est bienvenue (celle qui a tout vu, y compris le transsibérien). Le groupe m’agace, exception faite pour Évelyne et Marc, mais j’ai marre des affèteries des uns et des autres, la vulgarité névrotique de S., des soupirs de M., la vulgarité de J., la lippe de chameau de C.
Zhongdian et environs, vendredi 19 septembre 2003
Nuit à moitié assise à cause de l’altitude. Impossible de respirer à fond dès que je m’allonge, mes poumons m’étouffent, ce qui est un comble, et que j’avais déjà vécu il y a onze ans à Lhassa.
Départ à 9 heures seulement, pour le grand monastère.
Les salles sombres et sales pleines de peintures fabuleuses mais sans doute très récemment refaites. Sur la terrase, nous assistons à la controverse rituelle des moines, mais qui semble plus "jouée" que réellement vécue. Ils poursuivent leur vie, dont je ne suis pas sûre qu’elle ait quelque chose à voir avec celle d’il y a cent ans.
Le lac Napa est affreux, une flaque au loin avec un ranch hideux pour touristes. Le paysage est très sombre en raison du noir des sapins et du vert jaune sombre des prés. Et des vaches ou demi vaches (des zous ?) toutes noires posées dessus.
Déjeuner dans une famille tibétaine, assommant et gênant, on ne peut pas faire autre chose que de jouer, ils jouent les Tibétains, nous jouons les touristes. Où y a-t-il eu des déjeuners chez l’habitant ? C’était en Ouzbékistan et c’était différent, car ils transformaient leurs maisons en restaurants, ici, non, ils vous reçoivent en tant que familles-hôtes. Boulettes de tsampa que je roule sur ma main, pas mauvais, un peu étouffe chrétien, mais impossible de boire une seule goutte de l’horrible thé au beurre et au lait, ils servent la bouffe (des beignets en masses, assez bons, mais enfin…) dans des cuvettes en plastique, et le yaourt dans des seaux idem, assez peu ragoûtants. Mais distrayant. On est ailleurs, c’est indéniable. Leur maison est belle, grande, très décorée avec des images et des photos, des tissus, ils sont riches certainement. Le Tibet n’est pas un lieu gastronomique.
Marie-Noëlle continue à nous faire marcher ! Mais ici, je ne peux pas, je suis crevée par l’altitude, j’ai une sorte de malaise, impossible de respirer, je reste misérablement assise sur une borne dans un village totalement désert et agricole, aux murs fermés, attendant que le car reviennne me chercher et pendant que les autres escaladent un sentier pour aller au temple Da Bao, qui disent-ils gentiment au retour, ne valait pas le déplacement. Au village, on visite impromptu une maison, assez sale, elle, et sur le chemin du retour, on charge le vieux gardien du temple Da Bao dans le bus, ce qui nous fait ouvrir toutes les fenêtres et rouler dans un courant d’air très puissant qui ne dissipe pas vraiment son odeur terrible. Il pue d’une manière incroyable. On nous raconte qu’ils ne se lavent que le jour de leur mariage.
Le soir dîner soi-disant tibétain est prévu, je crains le pire, mais non, c’est très bon, Tibet de l’Est en tout cas, pas de l’Ouest ou du centre, pas de yak cuisiné en ragoût avec des pommes de terre le tout arrosé de beurre de yak, pour moi immangeable : ici on trouve le yack en fines tranches séchées et moelleuses pourtant, genre corned-beef, dans un restaurant isolé, non loin du monastère du matin. Je me demande comment ces restaurants survivent.
Zhongdian - Kunming, samedi 20 septembre 2003
Départ de Zhongdian en avionà 8 heures 40. Quelques paysages superbes enneigés, des nuages, une dernière fois nous traversons en car les tristes prairies vert oseille cuite passée avec les vaches noires, puis, de l’avion, on aperçoit quelques monts enneigés magnifiques pcachés ensuite par des nuages épais jusqu’à Kunming retrouvé encore une fois, avec l’air de vieille connaissance. Temple des Bambous. C’est celui que je connaissais, avec les figurines innombrables.
Après le déjeuner, excursion aux collines de l’Ouest, la montée, cette fois, se fait en téléférique, très différente de la fois précédente où on avait marché dans la friture des poissons, des petites boutiques tout le long de la route, avant que je cale devant les escaliers sans fin, que nous redescendrons aujourd’hui. Là, les cars sont devenus si nombreux qu’il a fallu organiser les abords et si ça circule mieux, ça enrégimente davantage. Il y a le télésiège à la montée et le petit train à la redescente où l’on fait la queue. De la route, on aperçoit le lac de la ville, qui faisait autrefois l’émerveillement du paysage et qui est à présent coupé en deux par la pollution, eau plus ou moins bleue d’un côté, d’un vert jaune acide de l’autre. Temple taoïste, pluie diluvienne, le « Pavillon majestueux » brille sous l’orage. Un accident bloque un long moment la route du temple vers la ville.
Kunming – Paris, dimanche 21 septembre 2003
Une journée libre. Je dors bien, j’ai un peu moins les yeux pochés que Kaizumi.
Dernière matinée, promenade au Parc avec Évelyne. Nous avons discuté d’un bouquin dont elle a entendu parler sur France Inter et qui décrit le goût des voyages comme une sorte de substitution à la mort. On voyagerait pour savoir ce que c’est que mourir ? Quitter, partir etc. ? Il pleuvait sur les lotus du Lac d’émeraude, les Chinois se promenaient paisiblement sous leurs parapluies, indifférents aux intempéries comme toujours. Ou bien ils jouaient aux cartes et au mah-jong dans les allées couvertes. Déjeuner assez rasoir comme toutes les fins de séjour, ou plutôt un peu triste. Évelyne et moi surveillons la trop tardive idylle entre un des touristes et la guide chinoise, qui restera fidèle, par force et manque de temps, à son fiancé chinois. Puis aéroport, cérémonial tuant des valises à enregistrer, taxes d’aéroport, vol vers Hong Kong, liquider les yuans en achetant des pistaches à la boutique. Et maintenant j’écris dans l’aéroport, lieu de transhumance, avec la musique où alternent les concertos brandebourgeois, le Beau Danube Bleu et les annonces. On abandonne Sylvain, qui a pris en option un séjour à Hong Kong.
Bilan total : impossible à faire. Etre ou ne pas être, faire pour ne pas faire, voir ou ne pas voir. Je suis entre un vol pour Tokyo et un vol pour Auckland. Nuit assise à côté de Marc, en bavardant de temps à autre, en mangeant les sandwiches de l’avion, dans la nuit, en dormant un peu, et le petit matin fripé dans Roissy.