Les arts et la guerre : un couple solide 

Les arts et la guerre : un couple solide 

La guerre ponctue l’histoire de l’humanité, elle marque notre temporalité, nos dates y font souvent référence. « Avant la guerre », « pendant la guerre », « après la guerre », « dans l’entre-deux guerre » sont des expressions de notre vocabulaire courant. Parfois, nous sommes « en guerre », pris dans la guerre, appelés comme soldats, frappés comme victimes, déplacés comme réfugiés. Nous établissons alors avec elle un rapport vécu que nous appelons la réalité : notre point de vue est sensible, charnel, étroit et biaisé, comme celui de Fabrice del Dongo à la bataille de Waterloo, dans La Chartreuse de Parme : étourdi par le bruit, le manque de visibilité, Fabrice n’est pas sûr d’assister à une bataille, car ce qu’il vit ne ressemble en rien aux majestueuses gravures de guerre bien cadrées et bien composées qui ont bercé son enfance [1]. Ces gravures si différentes du réel sont toutefois à l’origine de son désir d’aller se battre, elles ont dicté ses attitudes, ont influencé sa vie. Alors que Fabrice vit la plus grande bataille du XIXe siècle, qui a laissé tant de traces dans les cœurs et dans la littérature [2], de Victor Hugo (Les Misérables) à Stendhal en passant par Chateaubriand (Mémoires d’Outre-tombe) ou Thackeray (Vanity Fair ) et qui a inspiré tant de tableaux, au cœur de l’événement, le jeune homme ne voit que désordre, bruit et jouissance. C’est plus tard que s’étendent ses interrogations qui sont les nôtres. Pense-t-on mieux la guerre de loin ? Racontée par d’autres ? Des années après ? À quoi sert-il de la représenter ? Comment l’art, les artefacts, la mise en scène, la littérature, servent-ils à construire ce vieux couple que forment la guerre et les hommes ? Autant de questions et de réponses que traite l’exposition présentée au Centre de Culture Contemporaine de Barcelone.

« L’idée d’un combat »

Chateaubriand écrit le récit de cette même bataille de Waterloo des années après la guerre. Il s’agit de ses mémoires, non d’un journal : le 18 juin 1815, vers midi, il se promenait sur la route de Gand où il était réfugié pendant les Cent Jours.

« J’avais emporté les Commentaires de César et je cheminais lentement, plongé dans ma lecture (…) Je n’avais pas fait trente pas que le roulement recommença, tantôt bref, tantôt long, et à intervalles inégaux ; quelquefois il n’était sensible que par une trépidation de l’air, laquelle se communiquait à la terre sur ces plaines immenses, tant il était éloigné. Ces détonations moins vastes, moins onduleuses, moins liées ensemble que celles de la foudre, firent naître dans mon esprit l’idée d’un combat (…)Un vent du sud s’étant levé m’apporta plus distinctement le bruit de l’artillerie. Cette grande bataille, encore sans nom, dont j’écoutais les échos au pied d’un peuplier et dont l’horloge de village venait de sonner les funérailles inconnues, était la bataille de Waterloo. Auditeur silencieux et solitaire du formidable arrêt des destinées, j’aurais été moins ému si je m’étais trouvé dans la mêlée : le péril, le feu, la cohue de la mort ne m’eussent pas laissé le temps de méditer, mais seul sous un arbre, dans la campagne de Gand, comme le berger des troupeaux qui paissaient autour de moi, le poids des réflexions m’accablait : Quel était ce combat ? Etait-il définitif ? Napoléon était-il là en personne ? Le monde, comme la robe du Christ, était-il jeté au sort ? Succès ou revers de l’une ou de l’autre armée, quelle serait la conséquence de l’événement pour les peuples, liberté ou esclavage ? [3] »

Ce texte dit la valeur des écarts et des décalages : la distanciation dans l’espace - Chateaubriand n’est pas sur place, il entend seulement « l’idée d’un combat » -, l’écart temporel qu’il faut creuser entre l’acte et sa compréhension, la distanciation par la mise en forme, ici littéraire, comme d’autres les mettent en scène par des œuvres d’art plastiques ou des spectacles. Les sonorités ouvrent l’espace de la mémoire ; les métaphores, les transpositions, les jeux du souvenir, de l’émotion et de l’imagination, se logent, renforcés par la lecture de César, dans le long passé commun de la guerre et des hommes.

Sidérations

Sautons 186 ans. Mardi 11 septembre 2001, 8 heures 48, un Boeing 767 percute la tour Nord du World Trade Center, qui s’embrase aussitôt ; les caméras automatiques de la chaîne CNN (Cable News Network) situées sur Manhattan filment l’inimaginable et, à 9 h 06, elles enregistrent le choc d’un second Boeing contre la tour Sud. Le heurt des avions sur les tours géantes bourrées de monde, les incendies, et plus tard, l’écroulement dans un énorme nuage de poussière jaune, nous les avons tous encore dans la tête, dans les yeux. On croit un instant à un plan de science-fiction. La planète entière, collée aux écrans, assiste en direct à une nouvelle forme de guerre, le terrorisme à grande échelle. L’image de 9 heures 06 est brandie comme preuve par les Etats-Unis pour identifier dans ce double choc un « acte de guerre », terme juridique qui permet une riposte ; la résolution 1368 de l’ONU accorde aux Etats-Unis « le droit à la légitime défense individuelle ou collective », qui entraînera la guerre en Afghanistan. L’image fulgurante devient signe, image pieuse, annulant en elle-même la cause, le temps et l’espace, et provoquant, de ce fait, l’incapacité de la penser. Carol Gluck, de l’Université Columbia, avait justement intitulé « What’s Wrong with This Picture  » [4] une réflexion sur cette image saturée, qui s’est emparée de la « réalité », l’a jetée sans médiation dans nos maisons, où, témoins à distance, nous la voyons sans la voir. Nous ne la comprenons pas. La violence de ce conflit d’un type inconnu, la nouveauté radicale de l’ennemi, invisible et difficilement localisable, échappent un long moment à la construction d’un sens, à la mémorisation acceptable d’un tel événement. Quelle y est ma place, notre place ?

Mille visages

Entre Chateaubriand méditant sous son peuplier et nous, sidérés devant nos téléviseurs, entre Waterloo et le World Trade Center, s’étendent d’innombrables conflits, les conquêtes coloniales, les rivalités européennes, les deux guerres mondiales, les combats d’indépendance, le terrorisme depuis peu. La guerre va prendre mille visages, de la guérilla à la Guerre froide, de la guerre civile à la résistance, des révolutions aux attentats, elle va gagner tous les espaces, l’air, la terre, la mer. Les techniques de guerre et l’enrichissement des techniques artistiques, en lui offrant de nouvelles approches, de nouveaux cadrages, ont façonné de nouvelles sensibilités, formulé de nouvelles questions, entre autres celle de la responsabilité. La guerre s’est beaucoup rapprochée de l’individu, alors que l’art des siècles précédents la renvoyait dans le ciel épique grâce aux visions ordonnées par grandes masses. Une double prise de conscience s’élabore : la guerre est une violence institutionnalisée, codifiée et justifiée idéologiquement, mais, au plan individuel, elle reste un espace de temps, sous-tendu par le problème de la responsabilité, et où se produisent des bouleversements incontrôlables. Dans les deux cas, elle demeure la rencontre, brusquement aplatie, recto verso, de la vie et de la mort, où la culpabilité, la responsabilité et leurs contraires se mêlent indistinctement. Cette prise de conscience s’est accomplie sous l’avalanche des conflits particulièrement meurtriers du XXe siècle qui vient de se terminer, doublée par une avalanche d’images, sans que jamais un medium ne chasse l’autre.

Le long XIXe siècle avait mis en place, progressivement, les différentes techniques de représentation de la guerre, peinture, sculpture, photos, et avait posé les premiers jalons du cinéma, encore rudimentaire avant 1914. Ces arts avaient exploré la gamme des tonalités où l’on joue la partition de la guerre, héroïsme, héroïsation de la perte, esthétisme macabre. Lorsque commence la Première Guerre mondiale, on peut voir et lire partout, dehors comme chez soi, des bouts de conflits, des fragments d’espaces, des images de vainqueurs et de victimes, en masse ou isolés, dans le grand désordre des événements. Ce désordre de l’état de guerre, certains arts seront particulièrement aptes à le souligner. La photographie est en partie responsable de cette évolution, car elle a permis de fragmenter l’espace, de cerner les corps malheureux, les ruines, les temps morts, la vie à court terme qui se met en place autour des popotes, les attentes, la brutalité des cadavres. La peinture est descendue des chevalets, elle aussi, sous l’influence de la photographie, cadre plus court. Les films, quant à eux, vont travailler à donner du sens, dans un discours d’approbation ou de désapprobation, selon les points de vue des auteurs.

Le cinéma : rejouer, ruminer, familiariser

La grande industrie du cinéma se met en place pendant la Première Guerre mondiale (en Allemagne et à Hollywood), avec son double système, l’information (les Actualités) et les oeuvres de fiction : les milliers de films utilisant la guerre, inspirés par l’histoire ou carrément imaginés, vont la mettre en scène avec des techniques qui renouent souvent avec les pratiques de l’épopée. D’un gros événement difficile à comprendre ou à vivre, il va proposer de multiples versions imaginaires individualisées. À côté d’autres formes de discours, le cinéma entre en scène pour nous rendre acceptable l’inacceptable et nous proposer d’y tenir des places.

Prenons l’exemple de la sidération produite par l’emploi des bombes atomiques au Japon en 1945 : avant les tours du World Trade Center, les champignons atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki nous ont plongés dans la stupeur. L’angoisse de la possible destruction de l’humanité a été diffusée, remâchée, travaillée par le cinéma, moins à coups de documents (souvent classés secrets) que par des centaines de films de science-fiction ; ceux-ci montrent les éventuels ravages futurs de notre monde à coups de conflits imaginaires, avec les possibilités de survie et de réaménagements qu’offre une remise à zéro des conditions de vie. Les films de fiction sur le nucléaire ont fait un travail de familiarisation, ont élaboré un modus vivendi en créant des sociétés imaginaires à l’image de la nôtre et survivant, à de rares exceptions près, à l’apocalypse atomique. Correspondant à l’époque de la Guerre froide, ils en constituent une face, à la fois témoin et contrepoint de l’angoisse ambiante. Mieux, certains se sont même donné la peine de confier au nucléaire les solutions à des difficultés contemporaines ; ainsi les problèmes raciaux aux Etats-Unis sont-ils réglés au cinéma grâce à une guerre nucléaire, avant de l’être politiquement dans le réel par les Droits civiques : c’est le scénario de Le Monde, la Chair et le Diable en 1959 [5].

C’est peut-être sur la question de la responsabilité américaine dans la création d’un monde soumis au nucléaire que les films ont joué le rôle le plus net. Dans un corpus surtout américain, la plupart d’entre eux sont censés se dérouler aux Etats-Unis, inviolés dans la réalité, mais que les scénarios choisissent comme victime de bombardements ou de radiations, dues aux savants, aux ennemis du temps de la guerre froide, nommés ou non, au laisser-aller de la société américaine. Tout se passe comme si cette destruction imaginaire et impitoyable de l’Amérique payait la culpabilité des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki – mais en images seulement - : on voit le bénéfice de l’opération qui est le maintien de la bonne conscience américaine.

À l’opposé, sur les camps d’extermination, dont l’annonce doublée par les images tournées par les troupes d’occupation, avaient sidéré d’horreur le monde, le travail d’élaboration et de rumination est loin d’être fini, chaque film nouveau ouvre un champ de protestations. Cette réalité-là échappe encore à la construction fictionnelle, pour avoir mis en question le plus profond des problèmes, celui de la présence du mal en nous-même, et non pas commodément situé à l’extérieur ou remis dans les mains de quelques savants et militaires fous ou d’un « autre » menaçant. Les questions soulevées par l’attentat du 11 septembre appartiennent sans doute à ce registre confus, où sous la violence de l’agression terroriste, se cachent des responsabilités occidentales inévitablement posées. Les guerres ne sont pas claires.

Le cinéma a repris les couleurs et les recettes que se partageaient avant lui l’épopée orale ou littéraire et la peinture d’histoire. Les films évoluent entre deux formes : la première relève de la composition épique, esthétisante et héroïsante, autour du destin d’un soldat ou d’un groupe de soldats pris dans une cause, dans une quête de connaissance de soi et de victoire sur soi-même à défaut de victoire tout court. Ou bien les films penchent vers la vision pathétique qui revient à esthétiser, non plus le destin et ses aléas, mais uniquement la perte, la souffrance et la mort, le désordre extrême. Qu’ils finissent bien ou mal, qu’ils condamnent l’idée de la guerre et le malheur de l’individu qui en est victime, ou qu’ils en célèbrent l’aspect formateur, les films constituent dans notre imaginaire un répertoire de plans, de situations, de types de paysages, de combats, d’attentes. Ils créent une sorte d’encyclopédie de la guerre, qui compose des réseaux, des mythologies sur les peuples combattants, qui servent à leur tour les idéologies et les utopies dans la vie réelle : pour ou contre la guerre, pour ou contre la gloire, pour ou contre tel belligérant. Ces images servent même de référence au réel, en le déréalisant : des soldats engagés dans la Guerre du Golfe ont dit plusieurs fois « on serait cru dans un film de guerre », ou même « dans un mauvais film de guerre ».

De L’Iliade au film collectif 11’09’’01 [6], les images, dites ou filmées, ont leur part dans les distributions de responsabilité et de culpabilité, elles construisent la guerre comme une puissance, destructrice en même temps que créatrice et déterminent la position morale, à l’égard de la souffrance et de la domination, que chacun accepte ou se voit contraint de prendre. Elles proposent, voire imposent par leur système d’échos et de renvois, des figures et des attitudes, suggèrent des responsabilités éclatées et invisibles, qui évoluent au fil des lectures qui en sont faites. Bref, elles permettent à l’humanité de vivre dans sa propre activité, la guerre, en tentant de la comprendre.

Le fragment comme discours de l’absurde : objets, photos, télévision

À partir de la deuxième moitié du XXe siècle, dans le même temps où elle envahit par ses compositions l’écran cinématographique, l’image de guerre devient de plus en plus éclatée, intime, presque obsédante. En peinture comme en photo, la fragmentation, l’individualisation des sujets, l’accentuation des détails, la caricature, forment et déforment le monde (Otto Dix, Georg Grosz, Don McCullin etc.), l’absurde se lie à la guerre, en devient la trame. Il se loge dans les objets issus des conflits, casques, armes, bouts d’uniformes, sculptures faites dans les temps morts par les soldats, lettres du front.

La conquête de l’espace privé, amorcée par la photo familiale et la photo de presse, est hypertrophiée par la télévision qui la fait entrer chez nous, tous les jours, par miettes, s’inviter à nos repas, meubler nos soirées. Elle se comporte comme un libre-service, en offrant sur la guerre ou à propos d’elle, les actualités quotidiennes du monde réel, des films, des émissions d‘art, des documents de commémoration. Dans ce libre-service, le spectateur circule en toute familiarité avec la guerre, avec ses souvenirs, ses histoires et même sa mythologie filmique portative, bref, tout ce qui constitue son imaginaire, qui va être confronté, mobilisé, avec les informations quotidiennes ou celles des fictions. La télévision est encore la plus grande pourvoyeuse d’images de guerre, elle en offre un catalogue constamment enrichi. Elle est facilement organisable par la propagande et l’idéologie, mais la masse des images fournies et leur discours contradictoire les rendent porteuses d’un pouvoir critique, capable de désarticuler le sens recherché par les institutions qui les produisent et d’insister sur l’absurdité créée par le décousu dominant des images actuelles.

Si la perte du sens et le lessivage de la guerre par l’absurde sont décuplés par la télévision, son temps haché, ses images courtes, toujours pressées, les grands networks en sont conscients. Ils tentent d’y remédier par divers procédés stylistiques : CNN, par exemple, a doté d’un sens la Guerre du Golfe, dont les images, accablées sous la censure habituelle, n’en offraient aucun. Les cartons et les titres ont joué le rôle de liants et de cadres pour construire un discours idéologique. Les techniques de fidélisation du spectateur ont été reprises des recettes des feuilletons télévisés. Espaces raréfiés et monotones, temps fléché, personnages récurrents, la dramaturgie américaine de la Guerre du Golfe a installé dans l’imaginaire du spectateur une composition distrayante et majestueuse au service du droit et de l’ordre. Le vrai personnage de cet ensemble d’images, en 1990-1991, ce fut celui de la Guerre, et, en résonance avec les commentaires politiques, celui de la Guerre juste, valeur ancienne et discutable reprise une fois encore par les Américains lors de la récente Guerre d’Irak. Parfois, les personnages mythiques s’imposent d’emblée, comme Ben Laden dans l’hiver 2001-2002, avec ses rares apparitions dans des décors calculés, figure d’un temps hors du temps, ou du moins le laissant supposer, figure d’une éternité au service d’une autre face de la Guerre, la Guerre sainte,.

Toutefois, la plupart des conflits télévisés gardent un aspect décousu, tronqué par les censures, poussé de droite et de gauche par les autres événements d’actualité. La guerre d’Afghanistan l’a récemment montré. Dans les journaux télévisés, la guerre, c’est toujours comme Fabrice à Waterloo, le nez au ras de l’événement.

L’image de guerre, constamment en évolution, sidérante, explicative ou anesthésiante, véhicule tout et son contraire. Le prochain avatar proviendra sans doute du rôle du réseau Internet, qui libère une multitude de fragments, issus de tous les mediums possibles, de la peinture à l’écriture, du cinéma à la photo ou à la télévision, organisés ou non au niveau des sites, mais de toute façon, pour l’instant, inarticulés entre eux, sauf par le seul désir et le seul hasard qui animent l’internaute. Là, s’édifie une partie de notre idée de la guerre, de notre place à y tenir, de nos culpabilités et de nos responsabilités, présentes et futures, qui sont le fil actuel des questionnements, fil dérivé de la nécessité intellectuelle et affective de combattre et de surmonter l’absurde. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde privé de sens.

La guerre imaginée et la guerre imagée nourrissent l’idée de la guerre réelle et s’en nourrissent à leur tour. Notre cohabitation avec cette activité humaine dont nous ne nous déprenons jamais, se situe entre la réalité vécue forcément partielle et la construction affective ou rationnelle, que les artistes d’une société offrent au monde. Les œuvres d’art deviennent autant d’éclairages, de propositions, qui dessinent les différentes facettes de la guerre et l’inscrivent dans un système de résonances évolutif, un grand entonnoir ascensionnel, qui s’accroît avec le temps, plein de contradictions et de renvois. Les artistes, au XIXe siècle, en avaient montré les facettes pathétiques et douloureuses, sans la dépouiller de son caractère héroïque et épique. Ceux du XXe siècle l’ont cassée en mille morceaux, révélant ses autres visages, l’absurdité, le désordre extrême qu’elle suscite, d’où peuvent surgir des nouveautés, bonnes ou mauvaises, dans les contradictions de l’humanité. La guerre et les hommes - la guerre et l’art - forment un couple inséparable pour le meilleur et pour le pire.

Hélène Puiseux

École pratique des Hautes Etudes, Paris

Notes

[1Stendhal, La Chartreuse de Parme (1839), in Gallimard, La Pléiade, Romans et Nouvelles T. II. Chapitre 3, pp.56 sq

[2Jean-Marc Largeaud a magnifiquement analysé l’importance qu’a eue la bataille de Waterloo dans les esprits, les arts, la littérature, dans « L’ombre portée du 18 juin 1815 : iconographie et mémoire », La guerre imaginée, Seli Arslan, Partis, 2002.

[3François-René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe, Gallimard, Collection La Pleiade, T.I, p.962 sq.

[4Carole Gluck, Communication au colloque Between War and Media, organisé par la Maison Franco-Japonaise et l’Université de Tokyo, mars 2002.

[5The World, the Flesh and the Devil, Ranald MacDougall, Etats-Unis, 1959.

[611’09’’01- September 11, produit en France, 2002, est un film collectif de 11 grands metteurs en scène du monde entier, qui, chacun respectant le cadre temporel des 11 minutes 9 secondes, disent l’impact de l’évènement du 11 septembre 2001 dans différents points du monde.