Near Death Experience Un film de B. Delépine et G. Kervern
Je suis bien ressortie de la salle de cinéma, mais j’étais restée dans le film, j’y ai pensé longtemps, j’y pense encore. J’y suis retournée quatre jours plus tard, c’était pareil : ce film fait réfléchir à toutes les questions qu’on se pose, dans ce début de millénaire, sur la place des êtres humains dans le monde, leur dépendance en même temps que leur solitude, leurs déceptions. Il m’a touchée par la qualité de son espace, sa bande son, son acteur (Michel Houellebecq), son thème, que faire de soi lorsqu’on s’aperçoit que rien ne vous retient vraiment à la vie ? Que faire quand on n’a plus envie de rien, quand tout est fade ? Et quand on constate, en même temps, qu’on ne sait plus vivre seul ou sauvage, piégé dans le quotidien.
Paul, employé France Télécom, marié, deux enfants, cycliste du dimanche pour fuir le 4 pièces familial, part pour se suicider dans les horizons tentateurs d’un barrage, d’un bélvédère, en Provence. Au cours de séquences où il est le plus souvent seul pour affronter son projet, et à peine troublées de quelques rencontres, il voit que la nature se déploie narcissiquement dans sa toute sa beauté, le soleil, les aiguilles douces des pins méditerranéens, le vent dans les herbes fleuries de la route, les fourmis dérisoires et obstinées. Le traitement de l’espace m’a fait penser à Ozu : comme lui, chaque plan de Delépine et Kervern fait ressortir son évidence, et sa qualité intrinsèque que la présence de l’être humain modifie et dérange par sa temporalité courte et angoissée. La caméra place Michel Houellebecq dans toutes les cadres et positions, homme inscrit dans l’espace dn gros plan, plan éloigné, plan lointain, plan moyen etc. étalé contre un rocher, debout face à la plaine, roulé en boule, sautant à pieds joints sur une petite tente etc, tout frêle dans son maillot BIC. Une heure et demie de vrai espace cinématographique que la magnifique bande son creuse et étend encore davantage en troisième et même quatrième dimensions. Ça fait du bien quand on est envahi et gavé des petits espaces videos.
« Levez-vous, orages désirés » ? C’est ce que suggère le générique. Le film est une œuvre romantique (ses vues, sa bande son, son thème), il a de l’humour, de la tendresse, de la tristesse, un brin d’autodérision. Avec un spectateur inconnu, à ma deuxième sortie, j’ai échangé trois mots : tous les deux, nous avons trouvé qu’il donnait une extraordinaire envie de voir, d’entendre, de vivre. Je retournerai voir encore Near Death Experience.