The Nathan Axelrod Collection, Volume 1
The Nathan Axelrod Collection, Volume 1, Moledet Productions (1927-1934), Carmel Newsreels (series 1 1935-1948), Flicks Books, Trowbridge, England, et Associated University Presses, Cranbury, USA, 1993 ; edited by Amy Kronish, Edith Falk and Paula Weiman-Kelman, published in co-operation with The Israel Film Archive/Jerusalem Cinematheque ; 1 vol. in 8° de xii + 24O pages.
Des chercheurs et des archivistes de The Israel Film Archive ont recensé, visionné et classé un monument : les archives cinématographiques laissées par Nathan Axelrod, émigrant juif russe, arrivé en Palestine en 1926.
Au début sans moyens, mais avec passion, Nathan Axelrod réussit à créer en association avec Yerushalayim Segal, un studio de production dans deux baraques de bois, et, sous forme de brefs documentaires ou de sujets d’actualités, il filme le monde qui l’entoure, tel qu’il l’aime, le veut, le voit. Puis, le cinéma s’institutionnalise, et Axelrod entre dans le monde régulier des actualités cinématographiques ; mais par rapport aux opérateurs étrangers qui tournent parfois quelques faits sur l’Agence Juive et les problèmes anglais en Palestine, Axelrod a le point de vue de l’intérieur ; il ne cherche pas l’événement rare, la bribe internationalement intéressante, il a la volonté de suivre l’actualité quotidienne en route vers son accomplissement, l’État d’Israël.
De son travail, il reste deux cents heures de pellicule en format 35 mm, (elles ont été dupliquées et mises sur video pour la commodité des chercheurs) qui se divisent en quatre sections :
– de petits sujets documentaires issus de ’Moledet Productions’ (1927-1934) ; - les actualités proprement dites ’Carmel Newsreels’ (séries 1, 1935-1948 et séries II, de 1948 à 1958) ;
– des sujets censurés par les autorités britanniques, non montés et non présentés, qui n’ont fait pas partie des livraisons hebdomadaires d’actualités cinématographiques, (ce qu’on appelle dans les archives françaises les N. U., abréviation de ’non utilisés’) ;
– et enfin quelques longs-métrages en hébreu, dont le premier au monde tourné dans cette langue, Oded, The Wanderer.
Le volume 1, dont il est ici question, présente les 139 documents Moledet, la série 1 des Carmel Newsreels (252 éléments), plus un échantillonnage de 7 paquets de rushes de type N. U. , couvrant, de manière inégale, les vingt années qui ont précédé 1948.
Quelques pages de présentation cadrent l’ouvrage, sans esbrouffe, sans long discours. Dans la préface, Lia van Leer rend un hommage général, tant à Nathan Axelrod qu’aux administrations, aux chercheurs ou techniciens - elle évoque au passage les conseils donnés par les Archives du Film français à Bois d’Arcy - qui ont travaillé à reconstituer la collection, à la restaurer et enfin à publier le catalogue.
L’avant-propos d’Evyatar Friesel, archiviste aux Israel State Archives, situe l’optique de Nathan Axelrod, « absorbé dans son rêve sioniste » ; il signale le charme des documents qui ont enregistré tant de scènes publiques ou privées, occupations officielles ou quotidiennes, agricoles ou citadines, on retrouve Jaffa, Tel Aviv, Haifa, les kibbutzim, un rythme de vie tout différent, chacun se connaissant ; Friesel esquisse quelques traits des personnalités, telles que les lui ont livrées les documents visuels : voici Chaim Weizmann et Nahum Sokolov, « jeunes, charmants, élégants », l’austère visage et les « gestes anguleux » de Menahem Usshishkin. Il y a bien peu d’Arabes sur ces actualités, et, « assez étrangement » note E. Friesel, peu de vues de Jérusalem.
Amy Kronish, Edith Falk and Paula Weiman-Kelman, occupant toutes trois des postes de direction de l’organisme The Israel Film Archive, réussissent à donner en deux pages toutes les précisions voulues sur l’historique et l’état du travail de recherches et de conservation, sur les lieux de consultation des documents, les banques de données et les logiciels utilisés, et sur le mode d’emploi pratique du catalogue. Au bout de l’ouvrage, on trouve un index de noms de lieux, de sujets et de personnes qui est sans doute la partie la plus faible du travail ; à vue de nez, il semble qu’il manque des renvois ; on aimerait beaucoup d’entrées plus fines ; mais on sait que répertorier le contenu d’une image, avec sa richesse de signes, est pratiquement infaisable, c’est le péril de ce type d’index, nécessairement établi sans problématique propre : son rôle est surtout de signaler qu’il faut aller y voir ; les auteurs le savent, et proposent des listes plus complètes sur demande cadrée.
Car l’essentiel est bien que, sur plus de deux cents pages, la liste du trésor se déploie, dans la longue suite des centaines de documents répertoriés, avec leur titre en anglais et en hébreu, leur longueur en pieds (qu’il faut convertir en minutes pour en avoir une meilleure idée) et leur contenu brièvement indiqué ; cette description minimale, exempte de tout commentaire, suffit à plonger le lecteur dans le monde vécu de Nathan Axelrod. Rendant compte du seul catalogue, je n’ai pas vu les documents, et cependant, l’attrait s’exerce à la seule lecture, car l’on apprend que, désormais, on a la possibilité de voir les promenades dans les jardins publics, les prières dans les bus de Jérusalem, les matches de foot, les débuts de l’élevage de carpes dans les étangs de Palestine, la pose de l’antenne de radio de Ramallah, des familles qui mangent tout simplement des oranges dans une rue de Tel-Aviv, des prières pour l’anniversaire du décès de Meir Dizengoff, ou l’arrivée d’un train de réfugiés des Balkans à Atlit en 1941. Bref, des petits bouts de vie, la manière d’être, les gestes, les regards. Peu importent alors les menus manquements de l’index ou l’ennui de diviser le nombre de pieds du sujet par 90 pour trouver le temps en minutes ; tout historien familier des documents filmés connaît la force des actualités pour relancer la machine de la vie, rendre actuel le passé au coeur de notre présent, et surtout rendre efficace l’intervalle qui les sépare l’un de l’autre et plus aigu le regard que nous y portons ; plus sûr aussi, sans doute, l’établissement d’une compréhension profonde.
Type même d’ouvrage indispensable à tout chercheur qui veut prendre contact avec les problèmes et la vie des immigrants qui ont vécu les années d’avant 1948 en Israël, le volume 1 de la Collection Nathan Axelrod fait espérer un volume 2 avec impatience. Le travail de Flicks Books dans l’édition de catalogues filmiques du monde juif et israélien (j’ai déjà rendu compte en 1992 de leur Jewish Film Directory) est à saluer avec reconnaissance.
Hélène Puiseux