Fin, thème et variations

Sans fin ?

Une tragédie sans fin est en phase aiguë depuis samedi dernier : je veux parler du conflit Israël/Palestine.
Il semble qu’il soit là depuis la mythique nuit des temps, sous diverses formes, distribuant la mort et la peur, raconté d’abord dans la Bible, puis dans les livres d’histoire, roulant dans les journaux et les assez infâmes réseaux sociaux ; des être humains vivent dans le désert, hérissent des murs et des barrières, élèvent des moutons, creusent des puits sous les palmiers, puis s’y entretuent, sur un petit bout de terrain au bord de la Méditerranée ; la terre, le conflit, le monde des chefs tout caparaçonnés par leurs croyances et leurs idéologies traversent les siècles : seuls les individus de base sont victimes, ils sont tour à tour dépossédés, possesseurs, ils sont déportés ou meurent, laissant derrière eux, vivantes, la haine et la vengeance. Les vainqueurs de la guerre de 1939-1945 se refont un honneur en offrant ce bout de terre aux rescapés de la Shoah aux dépens des Palestiniens. Nouveaux conflits, vieilles haines. Le Hamas qui règne sur la bande de Gaza semble avoir décidé d’accélérer le mouvement mortel de ce premier quart du XXIe siècle, voire de le diffuser, de répandre la violence, en un mot, de provoquer la guerre en envahissant le territoire de son puissant voisin et en y massacrant à tout va : cela suscite une juste réprobation à laquelle je m’associe ici, même si c’est bien peu efficace, au beau milieu de multiples bavardages et parfois de bonnes analyses [1]. Je suis les évènements à la radio, complètement découragée, attristée, atterrée.

Vers la fin ?

Un groupe d’individus roule vers sa fin : je parle de ma génération. Nous étions une grosse famille, 43 cousins germains, dont les dates de naissance s’échelonnaient de 1906 à 1940. Nous restions dix à la fin de février 2022 : « Dix petits nègres » comme disait la chansonnette enfantine anglaise qu’on n’a plus le droit de traduire en ces termes en 2023.
Les choses s’accélèrent : depuis la fin de septembre, nous ne sommes plus que six. À qui le tour ? Tenons la rampe. C’est ce que je fais en continuant de maudire le soleil persistant comme en plein été avec sa lumière coupante.

Ah j’oubliais ! Cette chronique ne sera pas que lugubre, j’ai au moins une raison de me réjouir : ne pas être allée voir Lohengrin à Bastille, dans la mise en scène invasive de Srebrenikov, qu’il aurait pu trouver toute faite en Ukraine, au Haut Karabakh ou à Gaza. Je l’écouterai - je la crois honorable au plan sonore, direction, orchestre et voix - le 11 novembre transmise sur France Musique, sans voir sa mise en scène brutale et hachée complètement à côté de la plaque : Lohengrin est un opéra romantique et la guerre ne l’est pas.

Notes

[1François Hollande, ce matin, sur France Inter, en a d’ailleurs très bien parlé.