Jusqu’au jour où... 1

Depuis 2014, depuis l’invasion de la Crimée par la Russie, au mépris total du droit international, tout le monde faisait semblant de dormir, sous l’ombre, qu’on voulait suffisante, des accords de Minsk 2. Il y avait eu pourtant déjà quatorze mille morts, c’était comme « une drôle de guerre » un peu longue, mais on faisait semblant que ça marche, comme si le Kremlin n’était pas occupé par Vladimir Poutine, dont le curriculum vitae en matière de violation de droits, était pourtant très long et très éloquent.

Hier, répondant par un mail à un ami au sujet des dangers que courait le monde nucléarisé, j’écrivais mon inquiétude à propos « des décisions poutiniennes du 21/2 - que je redoutais depuis leur vote à la Douma -, qui annoncent des reculades collectives et des malheurs individuels et rappellent les années Trente et leurs menaces en forme d’escalier. Jusqu’au moment où ça finira tout de même par péter. »

Hier soir 23 février, Wolodymyr Zelensky, le président ukrainien, en plan américain, debout devant une grande carte de l’Ukraine, dans un bureau orné de drapeaux bleu et jaune, dans son costume sombre, cravate sombre, chemise blanche, était déjà une figure historique et tragique en affirmant à son peuple qu’il ne fallait pas avoir peur tout en proclamant l’état d’urgence. J’avais peur pour lui. Pour la suite. Pour l’Ukraine et pour nous aussi.

Et puis, voilà, ça a pété. À 4 heures du matin, Poutine a été parfaitement clair et menaçant sur ses intentions de réduire l’Ukraine à sa merci selon la fausse légende qu’il lui a créée depuis lundi, et plutôt clair à propos de l’emploi de l’arme nucléaire si l’Occident corrompu s’opposait à son plan.

Les missiles sont prêts, un grand nombre est déjà tiré. Les bouchons des voitures de citoyens qui fuient. Des gens meurent. Des soldats et des civils. Des gens pleurent. Des cyber-attaques ont lieu. Les aéroports sont bombardés. On se bat dans la zone de Tchernobyl - ses déchets, ses sarcophages etc. - , on se bat autour de Marioupol et d’Odessa où les voitures d’enfant continuent à dévaler l’escalier comme au cinéma, les sirènes résonnent à Lemberg-Lvov-Lviv sur les juifs disparus, les loups sont entrés dans l’Ukraine.

Et à partir de là, ça peut aller vite. On peut tout craindre.