Mozart/Castellucci, Don Giovanni Salzbourg, 2021

Samedi 7 août, 22h40, Arte : en direct de Salzbourg avec un léger différé, Don Giovanni, musique de Mozart, livret de Da Ponte, mise en scène de Romeo Castellucci, est entré dans mon salon, par le grand écran de ma télévision.

Quatre heures après, j’ai été débarquée sur mon canapé, complètement terrassée, comme si j’avais assisté pour la première fois à la représentation de ce dramma giocoso en 2 actes, qui commence par le meurtre du Commandeur par Don Giovanni, et finit par la mort du même Don Giovanni organisée par le même Commandeur. Cet immense mythe traite de la liberté, du désir, du sexe, de l’amour - , incarnés par huit personnages-clés, présentés et diffractés par Romeo Castellucci. Lui, je l’admire profondément, depuis longtemps, malgré - ou à cause de - quelques petites réserves, de petites choses qui m’agacent comme une pointe d’épice insolite peut agacer dans un plat, que par ailleurs elle exalte.

Castellucci se distingue de Da Ponte, volontairement, en supprimant (sur scène) toute référence à la religion, présente dans le mythe d’origine. La musique, plus que le livret, s’accorde avec ce parti pris par Castellucci. Sans doute avec autant d’intensité que Mozart, la mise en scène rend visible, sensible, presqu’au-delà de la satiété, le moteur vide et fou du désir, le désir comme consommation, son pouvoir, sa capacité de destruction, son plaisir bref et souvent raté, la violence qu’il entraîne, son impuissance à combler la solitude de chacun, réelle ou au milieu des foules chargées de fantasmes, de fantômes. La scène du cimetière et le souper final sont particulièrement fabuleux. Une fois Don Giovanni mort dans de grandes convulsions, le désir éliminé, la vie reprend légère et sans doute un peu fade pour les six héros survivants.

La salle était comble - jauge 100% - et masquée : la grande scène des masques « Signore maschere », à la fin de l’acte I (sc.20) , où précisément Don Giovanni est démasqué auprès de ses amis qu’il a traités et trahis comme il traite tout le monde dans la brutalité de son désir, en était rendue très étonnante.

Mais tout cela, c’est de la musique sublime, un livret génial, un espace et une visuel beaux et terribles, servis par des voix excellentes, il faut voir et entendre : il est à présent sur Arte Concert.

Pour juger sur pièce et pour les amateurs.https://www.arte.tv/fr/videos/104634-001-A/don-giovanni-festival-de-salzbourg-2021/

Pour avoir une bonne idée de cette mise en scène, on trouve une excellente critique et de belles photos sur Olyrix.

Wolfgang Amadeus Mozart
Don Giovanni K. 527
Opéra en deux actes sur un livret de Lorenzo da Ponte
Créé à Prague le 29 octobre 1787

Davide Luciano (Don Giovanni)
Mika Kares (II Commendatore)
Nadezhda Pavlova (Donna Anna)
Michael Spyres (Don Ottavio)
Federica Lombardi (Donna Elvira)
Vito Priante (Leporello)
David Steffens (Masetto)
Anna Lucia Richter (Zerlina)

MusicAeterna Orchestre et Choeur
Chef de Choeur : Vitaly Polonsky
Direction musicale : Teodor Currentzis

Mise en scène, Costumes et Lumières : Romeo Castellucci