La Planète des singes. Suprématie. Un film de Matt Reeves, USA, 2017

2 heures 22 pour Suprématie, ce gros pâté, collage de mythes superposés et rebattus dans de multiples films, légendes et livres saints, guerre, western, la Bible, Bien et Mal... J’aurais dû prêter plus grande attention au titre original : War for the Planet of the Apes.

Tous les mythes et légendes américains sont convoqués pour la suite (et fin ?) de cette nouvelle Planète des Singes : les films sur le Vietnam, Apocalypse Now, les colonels fous, les post-atomiques, Mad Max, quelques bribes volées et déformées des merveilleuses Planète des singes des Sixties et Seventies [1], Nova, la jolie fille muette, le vieux singe effrayé et sympa qui a connu les temps passés (ici, il évoque un peu Michel Rocard qui aurait fait les soldes du Vieux Campeur, avec son petit gilet matelassé et son bonnet de laine).

Franchement, je n’ai pas trouvé ce film bien, gros film de guerre noirâtre et brutal, j’ai trouvé ça long - dieu sait pourtant que je suis bon public pour l’anticipation - et j’ai failli ne rien écrire sur ce site. Les journaux chic, genre Le Monde et Télérama, paraissent un peu bluffés dans leurs comptes rendus et disent en gros que c’est à voir : je dirais plutôt le contraire.

La Planète des Singes. Suprématie

La scène où le Colonel et César s’affrontent avec des regards et des grimaces tragiques, en figures du Bien et du Mal, est téléphonée à souhait et quasi risible.

Pour comble, César, le Singe héroïque est mû ici par le désir de venger sa famille assassinée alors que, dans les précédents épisodes, il était un chef relativement politique ; il finit quand même par sortir ses congénères de l’enfer où les singes doivent bâtir un mur anti-singes (ça aurait des résonances ?) sur les ordres du Colonel. Ici, le mot d’ordre ressuscité de la révolte n’a pas même les 140 signes chers à Trump : Apes Strong Together, « Singes forts ensemble ». Après de longues et pénibles scènes dans le camp de travail, a lieu la « sortie d’Égypte » avec maintes explosions géantes et des cataclysmes en chaîne.

Filant l’allusion biblique, César finit comme Moïse au bord de la Terre promise, sans y entrer : il meurt en haut de la montagne qui surplombe la Vallée - paysage assez fade - où s’ébattent les jeunes singes libérés, pendant que Maurice, le fidèle chimpanzé qui a sauvé la jolie humaine muette, Nova, l’assure qu’il dira à son fils combien « his father » a été un Grand Singe.

Bref, les singes sont tout le portrait des hommes tissés par Hollywood quand celui-ci fait dans la sauce auto-référencée, mélange de sucre, d’eau de rose et de violence où les scènes de guerre et de torture alternent gaiement. Je pense que les films qui avaient été tirés de ce roman dans les Sixties/Seventies en 1995/96.]] avaient une vision, du sens, un discours, un propos critique et politique qu’on ne trouve pas ici, et d’ailleurs César saute d’une coursive en arrachant un drapeau américain enflammé, sans que je sache s’il le sauve ou s’il achève de le détruire ??

Quant au roman de Pierre Boulle [2], il n’est plus là du tout, du tout, cela ne date pas de ce film-ci.

Dans le tas, j’ai admiré quand même, de temps en temps - étant donné les moyens grandioses [3] -, quelques plans très beaux, certains carrément oniriques, des vallées désolées, ou carrément dévastées, hélas noyées dans une grande musique de western pas renouvelée pour deux sous.

Notes

[1Nous les avions analysées en long et en large dans mon séminaire indiqué par le lien.

[2Pierre Boulle, né le 20 février 19121 à Avignon et mort le 31 janvier 1994, est un écrivain français. Agent de la France libre en Asie du Sud-Est pendant la Seconde Guerre mondiale, il est l’auteur du Pont de la rivière Kwai (1952) et de La Planète des singes (1963).Wikipedia.

[3Ceci m’a fait moins regretter de perdre mon temps, idem, je remercie l’excellent fauteuil de l’UGC Danton.