L’Embarquement pour Cythère 24

  • Par Hélène Puiseux

24. Onzième note pour Me Plock : L’enfant-roi

La ville est tombée le dimanche précédent, les marins américains et les insurgés victorieux s’installent au Palais, ils n’ont pas encore eu le temps, ce 24 juillet, de décrocher les lettres d’or du fronton qui souhaitent longue vie à l’enfant-roi VIVA ALFONSO XIII, mais lui, l’enfant-roi, dans son Palais de l’Escurial, il vient d’apprendre que la première et la plus belle de ses îles avait coupé les amarres et qu’il n’y est plus roi.

Sous les palmiers et les eucalyptus, aux grilles du jardin parcouru par le vent qui souffle comme chaque soir de la baie jusqu’au Fort Sainte¬Inès, les mendiants et les estropiés contemplent sans bouger les lumières du salon.

Sous la lumière des grands lustres, on entend le bruit assourdissant de l’hymne américain, avec son ton à la fois entraînant et musardier,- vaguement canaille, disait Grand-père - suivi de Al combato corred, Bayameses, que les insurgés vainqueurs s’étonnent un peu de ne pas avoir entendu en premier.

Dans le port, le Montserrat et l’Alicante, surchargés de soldats espagnols, dont certains sont blessés, appareilleront demain pour un long voyage vers Cadix.

Dans les salons du Palais, les insurgés posent à nouveau pour les photographes, rangés sous l’une des grandes toiles où une clé de la ville de Breda est offerte par un homme en pourpoint à demi-penché. Qu’il est loin, ce bal, je n’y vois presque plus rien.

Au Fort Sainte-Inès, les blessés s’apprêtent à passer la nuit.

Post-scriptum

(À suivre)