« Si tu t’imagines »

Ce monde actuel, ennuyeux, trouillard, haineux, dominé par les insultes, les conflits, les matamores de tous poils, Juliette Gréco l’a quitté cette semaine. France-Musique, dans « Etonnez moi Benoît », ce samedi 26 septembre à 11 heures, a rediffusé une émission de 2012 qui m’a enchantée, sa voix, sa philosophie de la vie, des chansons, d’elle ou d’autres, pour l’écouter, cliquez ici.

Elle avait à peu près l’âge des mes sœurs, un an de moins que Paulette, un an de plus que Claudine, qui elles aussi, ne sont plus. Parties chacune au cours d’un mois de septembre, comme Juliette Gréco. Si tu t’imagines est pour moi son symbole et son étendard, j’adore cette chanson depuis sa création. Elle est ma jeunesse et bien davantage.

J’écoutais Juliette Gréco, hasard de la radio, ou vieux phono, manivelle, puis premier pick-up, aiguilles de bois etc., j’étais encore au lycée quand elle a commencé à chanter Si tu t’imagines (Raymond Queneau), elle avait dix-neuf ans, on sortait tout juste de la guerre, avec un appétit d’ogre, j’en retenais moins les menaces de vieillissement que la nécessité absolue de profiter de la vie :

Allons cueille, cueille,
les roses, les roses,
roses de la vie, roses de la vie
et que leurs pétales soient la mer étale
de tous les bonheurs, de tous les bonheurs.
Allons, cueille, cueille,
si tu le fais pas,
ce que tu te goures,
fillette, fillette,
ce que tu te goures !

Quand j’ai eu 19 ans à mon tour, j’ai mis son conseil à profit, j’ai cueilli, cueilli, et j’en ai profité longtemps et énormément, la vie et la liberté, la richesse donnée par le contact avec les autres, j’ai connu et aimé beaucoup de gens, vu des pays, travaillé, travaillé, parfois bataillé, manifesté, lu des tas de livres, vu et écouté quantités de concerts et d’opéras, vu des tas de films, des expos, je m’en suis mis plein la lampe, sans calculer et oui, bien sûr, c’est la bonne méthode. Il m’en reste un tas d’expériences, de souvenirs et de plaisirs, mon cher fils, mes chers amis.

Tant que ça dure.